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22/08/2013

Chapitre 3 : La connaissance de soi

Texte lu






Description : introduction à la connaissance de soi.



- P : tu as passé une bonne semaine ?

- C : oui ! Et je suis impatient de commencer notre discussion sur « la connaissance de soi », bien que...

- P : bien que ?

- C : cela me semble un peu...

- P : présomptueux ?

- C : à dire vrai...

- P : ...et à vrai dire, oui ! T’inquiète pas, il ne s’agit pas ici de déclamer et proclamer des propos définitifs sur le sujet mais, - petit rappel - simplement d’essayer de comprendre certaines choses sur notre façon d’être, d’observer nos comportements et d’essayer, en remontant le plus possible à la source, de trouver des moyens de fonctionner différemment pour être en accord avec nous-mêmes et les autres personnes.

- C : finalement, je me rends compte que je portais un vieux conditionnement, l’appréhension face à l’autorité, aux détenteurs du savoir, et face également à l’abondante littérature publiée sur ce thème.

- P : c’est une réflexion intéressante qu’il nous faut traiter avant de poursuivre sur notre lancée : l’inquiétude, le malaise face à la connaissance. Ici, une remarque préalable s’impose, on peut distinguer deux types de connaissance : celle nécessitant l’apprentissage d’une technique particulière, du temps, des efforts, une progression contrôlée ; et une autre, pratique, reposant sur l’observation et le bon sens. Nous pouvons classer notre démarche dans cette seconde catégorie.

- C : pourtant, il existe bien une science, la psychologie, et des psychologues qui railleraient volontiers notre approche ?

- P : comme je le disais précédemment, nous sommes simplement des amis animés par un désir sincère d’observer notre nature, d’essayer de la comprendre pour l’améliorer. Nous discutons tranquillement, simplement...et surtout joyeusement ! Si nous arrivons à dégager une certaine conduite, une façon d’être qui nous aidera, c’est très bien et cela suffit. Dans le cas contraire, nous aurons eu le plaisir de nous voir et converser ensemble. Te voici rassuré ?

- C : oui ! Un petit coup de « blues »...

- P : rien de tel que Mozart pour le faire passer !

- C : on continue la musique ?

- P : plus que jamais ! Donc, aujourd’hui nous abordons un deuxième compositeur, et quel compositeur ! Avec sa 39 ème symphonie, moins connue que les 35, 40 (surtout) et 41, (1) mais un final ! je ne te dis que ça !

- C : pour l’anecdote, je me souviens que sa 40 ème symphonie avait fait l’objet d’un arrangement, et connut un moment les sommets du hit-parade !

- P : oui...comme on peut se faire « arranger » au coin d’un bois ! Enfin, si ça peut donner envie de connaître l’original, pourquoi pas. Mais écoutons la 39 ème sans plus attendre !

- ..........



(1) Mozart : 

Symphonie n° 35 :

http://www.youtube.com/watch?v=p3rI-nFMFZE

Symphonie n° 39 :

http://www.youtube.com/watch?v=H0x_dCrKd4w

Symphonie n° 40 : 

http://www.youtube.com/watch?v=JTc1mDieQI8 

Symphonie n° 41 : 

http://www.youtube.com/watch?v=bnK3kh8ZEgA





















 





 

20/08/2013

Chapitre 3.1. La connaissance de soi : Présentation




Texte lu






Description : présentation de la connaissance de soi à partir d'un exemple simple, montrant également la force de la conscience émotionnelle.



- P : donc, nous y voilà à cette « connaissance de soi » ! Il va bien falloir s’y mettre !

- C : ça serait bien, oui !

- P : on va commencer par une évidence.

- C : pourquoi pas !

- P : considérons dix personnes, au caractère différent, confrontées chacune à une même difficulté. Si nous étions témoins de la scène, il est possible que nous observions dix réactions distinctes, ou avec des degrés divers, pouvant aller de l’effondrement à l’agressivité, ou de la passivité à la sérénité.

- C : jusque-là, ça va.

- P : qu’est-ce qui expliquerait cela, et que peut-on en déduire ?

- C : l’éducation, l’expérience, le tempérament,...que les faits, les événements objectifs produisent des réactions diverses et variées ne dépendant que des personnes qui les vivent.

- P : ça correspond bien à l’observation, et ce pourrait être la base, les fondations sur lesquelles repose la connaissance de soi. En effet, se connaître soi-même débute logiquement par une observation attentive de nos propres réactions face aux événements que l’existence nous apporte. Avant de poursuivre, je ferais bien une petite pause...

- C : pour écouter de la musique ?

- P : non, pour prendre une bière.

- C : une bière ? t’en bois pas !

- P : oui, mais là, c’est pour l’exemple...

- C : le mauvais alors ?

- P : non le bon !

- C : j’attends de voir...

- P : reprenons le modèle des dix personnes, mais ici, considérons, peut-être pas dix, mais un certain nombre de verres tous identiques, contenant chacun de la bière en quantité différente. De plus, on remarque également que la proportion entre le liquide et la mousse change d’un verre à l’autre.

- C : oui...

- P : et bien : le verre représente un fait objectif ; le liquide ambré (la bière proprement dite) figure l’impact, aussi objectif que possible, du fait sur la situation personnelle du sujet ; et enfin la mousse, la réaction émotionnelle de la personne à l’événement.

- C : dorénavant, je regarderai mon verre de bière différemment lorsque je savourerais mon demi !...un exemple peut-être ?

- P : trois personnes se font voler 1 000 euros (le fait objectif, correspondant au verre) ; elles possèdent respectivement sur leur compte bancaire : 2 000, 10 000 et 100 000 euros (l’impact objectif  du vol sur leur patrimoine représentera donc : 50 %, 10 % et 1 %, c’est le liquide ambré) ; la réaction émotionnelle de chacune d’elle, soit la quantité de mousse, peut être totalement disproportionnée relativement à leur spoliation économique.

- C : la personne qui possède 100 000 euros peut se sentir plus affectée par ce vol que celle qui n’en détient que 2 000 !

- P : voilà ! Cet exemple nous montre comment peut agir l’émotionnel...

- C : franchement, il ne respecte rien !

- P : rien ! Et c’est pourquoi il nous faut bien le comprendre afin de rivaliser à armes égales avec lui !

- C : plus qu’égales pour espérer maîtriser la situation !

- P : voilà pourquoi, avant de passer à l’action, nous allons faire un état des lieux de ce que nous sommes, du moins, comparer l’image que nous avons de nous-mêmes et ce que nous sommes (peut-être ?) vraiment.

- C : après un peu de musique, plutôt qu’un verre de bière ?

- P : pour conserver les idées claires...certainement ! Mozart, toujours, avec son 23 ème concerto pour piano...

- C : pas le 21 ème ?

- P : le plus connu pour son second mouvement ? Comme il est très célèbre, autant en découvrir un autre, sublime aussi par son mouvement central...

- C : c’est parti pour le sublime...

- ..........



Mozart :

(1) Concerto pour piano n° 23 : 

http://www.youtube.com/watch?v=BMYjGkgzinU

(2) Concerto pour piano n° 21 : 

http://www.youtube.com/watch?v=Bs-H7SwPfJo

Chapitre 3.2. La connaissance de soi : Etat des lieux



Texte lu







Description : bienvenu dans un monde d'illusions...Le notre !
  • Illusion des formes et de l'apparence : l'humanité dans un dé à coudre 
  • Illusion de la personnalité : le collectionneur et la collection, l'ego
Et là, contrairement aux formes, il est possible de changer la donne...





- C : vertigineux !...

- P : redescendons du sommet pour s’adonner à un petit jeu...

- C : chic alors !

- P : disons, un petit exercice de physique...

- C : je prends quand même !

- P : tu sais que toute la matière, et nous inclus, sommes constitués d’atomes (les particules fondamentales de cette matière qui en conservent la nature) ; que chaque atome peut être représenté comme un système solidaire comprenant le noyau - au centre - et les électrons qui gravitent autour.

- C : oui.

- P : c’est une représentation mentale, mais l’important dans cette configuration est de considérer l’espace existant entre le noyau et les électrons. Eh bien nous allons calculer le volume qu’occuperait toute l’humanité si cet espace n’existait plus, si tous les électrons de chacun des atomes la composant se trouvaient rassemblés sur le noyau.

- C : j’ai pas pris ma calculette !...

- P : on va faire une approximation. Combien y a-t-il d’êtres humains sur Terre ?

- C : environ 7 milliards.

- P : comptons-en 10. Quel est le poids moyen d’une personne ?

- C : 70 kg.

- P : voyons large, disons 100 kg, soit un volume de 100 litres (1 litre d’eau vaut 1 kg). Quel serait alors le volume total de l’humanité en mètres cubes ? (m3)

- C : sachant que 100 litres = 0,1 m; 10 milliards X 0,1 = 1 milliard de m, soit : 10m3.

- P : très bien ! Maintenant, sachant que la distance moyenne des électrons au noyau dans l’atome est de 10-5 m (un centième de millimètre !), quel serait donc le volume de l’humanité si cet espace n’existait pas ?

- C : pour passer d’une distance à un volume, il faut multiplier trois fois de suite cette distance par elle-même (exemple : le volume d’un cube correspond à la mesure de son côté multiplié trois fois par lui-même), soit : (10-5)= 10-15 ; donc, pour supprimer l’espace compris entre le noyau et les électrons, il faut diviser le volume initial par 1015, soit : 10m/ 1015 = 10-6 m= 1 cm3 ! Bigre !

- P : et encore, pour des raisons de simplification, nous avons pris 10 milliards de personnes pesant chacune 100 kg ! Première illusion, notre apparence, notre forme, l’espace que nous emplissons !

- C : une explication peut-être ?

- P : si nous ne nous effondrons pas sur nous-mêmes, comme toute la matière qui nous entoure, c’est, pour simplifier, grâce à la force électromagnétique (l’une des quatre forces fondamentales de l’univers) qui crée une interaction entre les particules chargées électriquement (électrons et protons du noyau). Ce n’est pas la peine d’aller au-delà, l’essentiel étant de montrer que la réalité est parfois bien différente de ce que nos sens nous laissent percevoir.

- C : tu as parlé de première illusion, j’ai des notes !...

- P : cette illusion que l’étude de la matière nous révèle, ne pourrait-elle pas être étendue à la conscience ordinaire, celle que nous avons l’habitude d’utiliser ?

- C : nous en avons déjà une petite idée, c’est notre façon personnelle de réagir aux événements, le fameux verre de bière !

- P : c’est un premier pas ! Essayons de progresser. Qu’est-ce qui peut caractériser un collectionneur ?

- C : sa collection.

- P : oui...Et si l’on tentait une approche psychologique de cette personne ?

- C : l’attachement, voire l’identification à « sa collection », en fait, le lien puissant qui l’unit à elle.

- P : voilà ce que je souhaitais entendre !

- C : il suffisait de demander !

- P : c’est mieux quand c’est spontané ! On retient donc ce lien puissant qui lie le collectionneur à sa collection. Extrapolons, mais pas tant que cela. Cette collection ne pourrait-elle pas être un recueil, un assemblage, une réunion de pensées ?

- C : et l’être humain, « le collectionneur » de pensées ?

- P : Aucun doute que nous émettons constamment des pensées, qu’elles soient intruses ou désirées, banales ou structurées.

- C : si elles ne sont pas souhaitées, on ne peut les considérer comme des « pièces de collection » alors ! Par nature, le collectionneur choisit ses objets avec grand soin !

- P : bien-sûr ! Mais oublions le détail et creusons l’idée. Ce parallèle s’attache surtout à montrer que les pensées, comme la collection, constituent un ensemble, une référence qui, par son histoire et sa persistance, modèle complètement l’être (le collectionneur) qui en est la source.

- C : c’est sa personnalité, en fin de compte ?

- P : oui, une personnalité construite par les consciences que nous avons définies précédemment : émotionnelle et intellectuelle.

- C : et en soi ?

- P : en soi, rien de plus naturel, mais si l’on y regarde d’un peu plus près...

- C : comme  pour le volume de l’humanité réduite à sa plus simple expression ?

- P : absolument ! Ici aussi, l’illusion est entretenue puissamment. Elle a pour nom la société, qui donne de la substance à la personnalité, crée des modèles ou des aberrations ! Des références qui imprégneront la mémoire collective, autant qu’individuelle !

- C : et ce qui nous relie à cela, qu’on l’affectionne ou qu’on l’exècre, serait aussi puissant que la force électromagnétique qui permet le monde des formes et des structures ?

- P : ce à quoi nous nous identifions est parfaitement défini, c’est la « collection » de souvenirs accumulés durant notre existence, c’est la résultante des influences reçues et acceptées auxquelles nous ajoutons nos réflexions et nos sentiments. En un mot, c’est l’ego, expression aboutie de nos consciences émotionnelle et intellectuelle. C’est lui qui incarne cette force puissante reliant le tout, et lui donne sa cohérence.

- C : bien-sûr, mais à ma connaissance, l’on a rien trouvé de plus efficace pour s’affirmer et vivre son existence. Qu’en est-il de l’illusion ?

- P : s’affirmer, c’est sûr !

- C : c’était peut être pas le bon mot...

- P : ça ne fait rien. Je comprends ce que tu veux dire. Il est évident que nous devons faire avec le cerveau et la conscience qui l’accompagne depuis des lustres. Mais peut-être est-il possible de ressentir, d’agir, d’être autrement, de ne plus se référer systématiquement à cette « collection », de ne plus dépendre de ces états intermittents qui encombrent notre conscience émotionnelle. Quant à l’illusion entretenue ici, elle est d’un autre ordre de celle qui se rapporte à la matière, et c’est une aubaine !

- C : on va pouvoir en profiter alors ?...

- P : peut-être bien !... Contrairement à la matière dont la dimension véritable nous oblige à une expérience de pensée - imaginer toute l’humanité contenue dans un dé à coudre ! -, car cette réalité ne sera jamais vécue, des voies sont peut-être possibles pour s’affranchir de la conscience ordinaire, de l’ego, d’envisager un changement réel de niveau de conscience.

- C : comme tu y vas !

- P : ne nous y trompons pas, le thème de la connaissance de soi est vieux comme le monde des humains qui ont pensé la question : « Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’univers et les Dieux »...

- C : rien que ça ? Rassure-moi, on n’est pas obligé de faire pareil ?

- P : je te rassure !...Cela pour dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le Soleil. Mais que ça ne nous empêche pas, comme je le disais précédemment, de réfléchir naturellement et simplement  sur notre condition. Peut-être en ressortira-t-il une certaine compréhension des événements, une autre façon d’être et d’expérimenter, en rupture douce avec les anciens schémas de pensée.

- C : si effectivement, au regard de tout ce qui a déjà été formulé jusqu’à présent sur la connaissance de soi, il n’y a rien de nouveau sous le Soleil, il est possible d’en personnaliser l’approche, de proposer une grille de lecture particulière à partir du moment où l’on a saisi les grandes lignes du modèle.

- P : tout à fait ! Nous sommes des graines de conscience, profitons-en ! Il existe certes des méthodes éprouvées pour apprendre à semer convenablement ce que nous voulons voire croître et embellir, mais rien ne nous empêche d’apporter cette petite touche personnelle, le choix et la présentation des cultures.  Exprimer cette sensibilité qui rentrera en résonance avec d’autres consciences, voilà la raison d’être de cette contribution !

- C : avant de poursuivre, on fait une pause musicale ?

- P : j’allais te le proposer. Et comme l’on dit que la musique de Mozart est formidable pour le cerveau, continuons en sa présence avec la messe du couronnement. (1)  

- C : écoutons-la pieusement...   

- ..........
  
- C : qui a dit que le silence qui suit une œuvre de Mozart est encore de Mozart ?    

- P : Sacha Guitry.

- C : je suis désolé de troubler son œuvre.

- P : je pense qu’il te pardonnera. Quand on écoute une œuvre avec attention, c’est comme si le compositeur était toujours vivant ! 



(1) Mozart : Messe du Couronnement

http://www.youtube.com/watch?v=DqeaIsdjloo 

19/08/2013

Chapitre 3.3. La connaissance de soi : Le changement de niveau de conscience

 

Texte lu







Description : il est des instants, rares le plus souvent, où l’on est bien, tout simplement, un état où le mental et son cortège de pensées se tiennent à l’écart, où la conscience de l’environnement est ample mais sans mobiliser les sens à l’excès... Bref, un état où il n’y aurait rien à rajouter et rien à retirer...Cette perception, c'est l'intuition qu'une autre conscience est possible : la conscience attentive... 





- C : nous voici donc arrivés à ce fameux changement de niveau de conscience !...

- P : nous y voilà, en effet...

- C : on va donc rentrer dans le réel !

- P : justement, peut-on créer un monde à partir d’informations extérieures, et donner l’illusion qu’il est réel ?

- C : ??? (Claude reste étonné)

- P : c’est ce que fait le cerveau à chaque instant ! Essayons de nous intérioriser !...

- C : je me concentre !

- P : on y reviendra...Qu’est-ce qui pourrait nous indiquer, nous mettre sur la voie qu’une autre conscience est possible ? Une conscience qui ne serait pas dominée par l’intellect, et surtout par les émotions ?

- C : toutes les personnes qui ont passé leur existence à s’observer « de l’intérieur », et en ont tiré des enseignements reconnus et retenus par l’histoire de la culture humaine.

- P : j’entends bien...

- C : ...ça va, j’ai la bonne oreille !

- P : bien joué !...Si on laissait de côté les enseignements, et qu’on se mettait simplement à l’écoute de notre ressenti, est-ce que l’on arriverait pas à identifier certains moments particuliers, même privilégiés de notre existence ?

- C : en écoutant bien...peut-être !

- P : alors, tendons l’oreille et la bonne, celle de la conscience...Excuse-moi, je fais du lyrique !

- C : pas de problème !

- P : revenons à l’essentiel...Il est des instants, rares le plus souvent, où l’on est bien, tout simplement, un état où le mental et son cortège de pensées se tiennent à l’écart, où la conscience de l’environnement est ample mais sans mobiliser les sens à l’excès... Bref, un état où il n’y aurait rien à rajouter et rien à retirer 

- C : ça résume bien.

- P : à partir de cette constatation, en réalisant cela, c’est comme l’intuition qu’une autre conscience est possible...

- C : une conscience particulière qui ne s’exprimerait pas à partir de l’intellect et de l’émotionnel ?

- P : qui conserverait l’expérience acquise et les connaissances assimilées, mais permettrait surtout une compréhension particulière née de l’absence, ou de la raréfaction des certitudes, et des perturbations émotionnelles.

- C : perturbations émotionnelles, on comprend, c’est l’activité spontanée de la conscience du même nom ; et les certitudes ? Les convictions que l’on veut maintenir à tous prix, les blocages de l’intellect ?

- P : oui...Désolé, une entorse à la volonté de simplification !

- C : pas grave, je suis là pour ça, pour veiller aux emportements !

- P : donc, pour en revenir au sujet, une conscience souhaitée, voulue, dépendant de la volonté, fondée sur l’attention.

- C : la « conscience attentive » en quelque sorte...

- P : pas mieux ! Et c’est là que les choses sérieuses, et surtout compliquées, commencent...

- C : houlà ! Si ça se complique déjà !...

- P : on ne peut faire l’impasse sur des notions essentielles, notions certes un peu délicates à saisir, mais t’inquiète pas, je ne te lâcherais pas tant que je n’aurais pas la certitude que tu les auras bien comprises ! Car en fait, ce n’est pas évident de transcrire en mots des concepts qui relèvent du ressenti intime. Qu’est-ce que l’attention ? Comment la distinguer de la concentration ? Comment agit-elle ?...

- C : d’accord. Je dirais donc que c’est là que les choses intéressantes commencent ! Nous avons le temps et la détermination ! « Si la première fois, tu ne réussis pas... »

- P : ...« il faut essayer une deuxième fois, si... ». Faisons confiance à la chanson !

- C : voilà ! Donc, vivre à partir de la conscience attentive demande certainement une « re-programmation du cerveau » ?

- P : nécessairement car, comme nous l’avons évoqué précédemment, il est habitué à fonctionner avec les consciences émotionnelle et intellectuelle depuis des milliers d’années !...

- C : ...et ça crée des liens ! Ça me fait penser à un truc... 

- P : oui...

- C : On verra plus tard... 

- P : D’accord pour plus tard...Comme nous avons du pain sur la planche, écoutons une dernière œuvre musicale avant de nous quitter, pour nous revoir de bonne heure, et de bonne humeur (surtout), dimanche prochain !

- C : d’accord ! Que proposes-tu pour conclure, Mozart, encore et toujours ?

- P : non. Continuons notre parcours musical avec le « géant » suivant...

- C : Beethoven !...

- P : Bach, Mozart, Beethoven ! C’est effectivement tentant. Or, comme souvent, on en oublie un, discret par la personnalité, mais extraordinaire par l’abondance et la puissance de l’œuvre. Il a simplement eut le tort de se trouver pris entre les créations mozartiennes et beethovéniennes.

- C : Ah...le bon « papa » Haydn, comme l’appelait Mozart !

- P : eh oui !...Ecoutons sa 88 ème symphonie, jubilatoire !... (1)

- ..........



(1) Haydn : Symphonie n° 88

http://www.youtube.com/watch?v=X3O3vst-ESY

18/08/2013

Chapitre 3.3.1. L'attention



Texte lu








Description :   

Pour comprendre ce qu'est l'attention : 
  • d'abord savoir ce qu'elle n'est pas : la concentration et la méditation ;
  • sur un exemple (conflit entre deux personnes), voyons comment elle agit ;
  • sa force : diminution ou suppression de "l'appel-mémoire".
L'attention et le changement de niveau de conscience :
  •  ce qui se passe lorsque l'on est attentif ;
  • la pensée : mieux la connaître pour ne plus subir ses débordements.
L'attention au quotidien.





- P : la volonté a été reconnue comme un critère d’importance dans le souhait de changer de niveau de conscience, d’aborder la conscience attentive, comme tu l’appelles. Alors, avant de s’y consacrer, écoutons un musicien à la volonté puissante, et l’énergie créatrice bouillonnante. Si Mozart disait qu’il n’avait pas de mérite à composer car il ne faisait que recopier la musique qu’il entendait dans sa tête, la création, chez ce compositeur, empruntait souvent des voies difficiles, tortueuses, des chemins multiples pour parvenir enfin au chef-d’œuvre accompli !

- C : cette fois, c’est bien de Beethoven dont il s’agit !...

- P : je ne peux te le cacher davantage !

- C : mais grâce à  la dernière écoute, j’ai pu apprécier Haydn, ne le considère plus simplement comme une « machine à écrire » de la musique, et découvert avec enthousiasme ses derniers quatuors (1) ainsi que  ses deux oratorios : « Les saisons » (2) et « La création » ! (3)

- P : heureux pour toi de cette découverte ! Au-delà du plaisir partagé dans ces écoutes musicales, il y a surtout l’espoir de susciter l’envie de découvrir, par soi-même, d’autres œuvres remarquables. Bien, alors captons ensemble  toute l’énergie - si c’est possible ! - contenue dans la  septième symphonie de Beethoven ! (4)

- C : j’en frémis d’avance !

- ..........

- P : on peut y aller ?

- C : on y va !

- P : pour bien montrer ce qu’est l’attention, il faut d’abord préciser ce qu’elle n’est pas, à savoir : la concentration, voire la méditation. Voyons donc ces deux notions au préalable afin de lever toute ambiguïté sur le sujet qui nous intéresse. La concentration consiste à fixer ses pensées, sur un objet, une idée, un concept ; bref, sur tout ce que le mental peut appréhender. Donnons une image comparative pour simuler le travail du mental durant la phase de concentration.
    
- C : c’est une bonne idée.

- P : il suffit de se représenter deux récipients, le premier contient de l’huile qui verse goutte à goutte dans le second. Chaque goutte montre le mental concentré, tandis que l’espace séparant chacune d’elles révèle la distraction et l’effort nécessaire pour se recentrer.

- C : et la méditation ?

- P : On conserve les deux récipients, mais ici l’huile s’écoule de l’un à l’autre en un filet ininterrompu. La méditation peut être définie comme une concentration constante, un lien psychique permanent entre le méditant et l’objet de sa méditation.

- C : c’est clair, on comprend bien ce qui sépare ces deux états du mental qui s’applique à maintenir une relation de pensée avec un objet pris au sens large. Et l’attention ?

- P : j’allais y venir...

- C : c’est mon côté impatient !

- P : ça devrait s’arranger, l’attention permettra cela...entre autre. Avant de préciser la notion d’attention, j’aimerais donner ici sa définition telle qu’on peut la trouver dans un dictionnaire courant : « Tension de l’esprit vers un objet à l’exclusion de tout autre », ou encore : « application, concentration ».  On verra par la suite que ce n’est pas du tout cette approche qu’il nous faudra retenir pour ressentir les effets de l’attention.

- C : essayons de trouver un autre mot plus adéquat !

- P : pour être précis, et surtout rigoureux, il faudrait plutôt utiliser une formule, une expression...alors continuons, par simplification, d’employer ce terme en ayant soin d’expliquer au mieux ce qu’il révèle. Bon, commençons l’investigation...

- C : ah ! Une enquête...Parfait !

- P : qu’est-ce qui associe la concentration et la méditation ?

- C : l’effort mental exigé ? 

- P : bravo ! Un peu moins évident maintenant, ces deux techniques affichent une nature identique, laquelle à ton avis ? 

- C : l’union avec l’objet de la concentration ou de la méditation ?

- P : non. Cela serait plutôt un but. 

- C : effectivement. 

- P : alors ? 

- C : je ne vois pas. 

- P : elles sont de nature fermée. 

- C : tu peux préciser ? 

- P : oublions l’espace entre les gouttes d’huile...

- C : ...oui, oublions !

- P : la concentration et la méditation peuvent être perçues comme un rayon (un rayon laser pour fixer les idées) reliant la personne à l’objet de sa concentration ou de sa méditation. Rayon qui symbolise la fermeture de l’esprit qui pratique. En effet, la concentration sur un objet, un sujet ou un état si élevé soit-il, ferme le méditant à tout ce qui l’écarterait de son champ d’observation, donc de son environnement personnel.

- C : d’accord. Et l’attention ? 

- P : pour rester dans la comparaison, l’attention peut être visualisée comme une sphère dont chaque rayon recueillerait une partie des informations captées par l’appareil sensoriel.

- C : l’attention est donc de nature ouverte. 

- P : tout à fait. 

- C : mais… 

- P : mais ? 

- C : s’il est vrai que l’ensemble des informations que tu donnes apporte une compréhension raisonnable et suffisante pour l’esprit, il n’en demeure pas moins… 

- P : …qu’un exemple serait le bienvenu ? 

- C : vraiment le bienvenu !

- P : voici un exemple qui peut également servir de test pour savoir si l’on est dans un état de concentration ou d’attention. 

- C : c’est parfait ! 

- P : le téléphone sonne… 

- C : dring…Dring… 

- P : faut t’adapter aux nouvelles technologies ! 

- C : je vais faire un effort ! 

- P : c’est pas gagné ! Or donc, le téléphone sonne…Trois cas sont à envisager : moyennement absorbé par l’état de concentration, je sursaute et décroche ; complètement absorbé, je n’entends pas la sonnerie ; enfin, totalement attentif à ce qui se présente dans mon environnement sensoriel, je perçois le signal (un parmi d’autres), et décroche l’appareil sans ressenti particulier…et avec bienveillance !

- C : quelle que soit la personne au bout du fil ?

- P : c’est l’une des propriétés de l’attention, dissiper les émotions, on verra comment par la suite.

- C : avant d’aller plus loin, je résume ton propos pour voir si j’ai compris correctement : être attentif, c’est développer une sorte « d’éventail sensoriel » dont chaque brin apporte son type d’information que l’on capte naturellement par l’esprit de simple observation, accordant une importance identique à chacun d’eux ? 

- P : d’accord pour « l’éventail sensoriel ». Mais je m’aperçois, en t’écoutant, qu’il y a un point fondamental à rappeler, et une notion à écarter. Le point fondamental, c’est l’ouverture sensorielle objective et sans préjugé à toutes sources d’informations. La notion qu’il faut exclure, c’est l’importance équivalente attribuée à chaque événement ; il n’est pas envisageable d’agir ainsi au quotidien. Pour être clair et sans ambiguïté sur le sujet, il convient d’insister sur le fait que l’attention permet justement, parmi l’ensemble des informations qui affluent au mental, de distinguer immédiatement celles qui sont d’importances pour agir en conséquence, et de façon optimum.

- C : j’ai bien fait ! On pourrait poursuivre sur les effets de l’attention ?

- P : oui, mais avant j’aimerais encore insister sur ce point très important qu’est la différence entre l’attention et la concentration, car si cela est mal compris, si l’on pense être attentif alors qu’il s’agit d’un état de  concentration, non seulement le changement de niveau de conscience ne s’opèrera pas, mais il en résultera une déperdition d’énergie importante due aux efforts déployés pour maintenir le niveau de concentration.

- C : un exemple ?

- P : celui de la colère est tout indiqué. On peut être excessif, violent, tout en conservant un certain contrôle de ce que l’on dit et de ce que l’on fait pendant une phase colérique si, justement, l’on est suffisamment concentré pour y parvenir.

- C : tandis que lorsque nous sommes attentifs, cela ne se produit pas ?

- P : je te propose de voir ça en détail quand nous allons parler des effets de l’attention. Non, je ne me dérobe pas, mais...

- C : une pause musicale serait la bienvenue ?

- P : c’est clair !

- C : faisons une pause donc...

- P : on continue avec Beethoven, une œuvre de la « dernière période », qui demande donc...de l’attention ! Mais demeure bien accessible : la 28 ème sonate pour piano. (5)

- C : je ne connais pas. J’avoue que, dans son œuvre pour piano, j’en suis resté aux classiques : les sonates « Pathétique » (6), « Clair de lune » (7)...

- P :...et « Appassionata » (8)...  

- C : bien-sûr !

- P : l’occasion de découvrir un autre monde, même s’il s’agit toujours du répertoire pour piano, car avec cette 28 ème sonate, nous débutons le cycle des « dernières sonates », qui s’achève avec la 32 ème. (9) Une invitation au voyage...et quel voyage !...

- C : j’inaugure donc la conscience attentive avec ce voyage beethovénien !

- ..........

- P : ...reprenons où nous en étions restés...

- C : ...les effets de l’attention.

- P : pour montrer la valeur de l’attention dans le cadre de notre investigation, je vais recourir aux enseignements que le philosophe indien KRISHNAMURTI (1895-1986) a délivrés sur le sujet. Il parle notamment de la « flamme de l’attention » qu’il qualifie ainsi : « L'observation est comme une flamme qui est attention, et avec cette capacité d'observation, les blessures, le sentiment d'avoir de la peine, la haine tout cela est consumé, envolé. » Voyons pratiquement ce qu’il en est...

- C : oui, parce que la théorie… 

- P : être attentif, c’est en quelque sorte observer avec soin le film des événements que l’on vit. Caméscope au poing, l’œil centré sur le viseur, les scènes filmées se succèdent devant nous, et nous ajustons les prises de vues selon notre but initial, mais aussi, notre intelligence, nos impressions, nos sentiments. Tout cela modifie en temps réel nos agissements. Mais voyons plutôt…Imaginons la scène suivante : deux personnes se querellent tandis qu’une troisième filme le déroulement des événements.

- C : pour les deux qui se disputent, c’est pas difficile à imaginer !

- P : c’est déjà ça ! La dispute terminée, les deux protagonistes se séparent, et l’un deux rejoint l’apprenti cinéaste qui lui dit :

§         « Tu as vu dans quel état tu étais ? »    

§         « J’étais normal…un peu énervé, mais c’était les circonstances et le ton de la discussion qui le voulaient »

§         « Un peu énervé !...Tiens, prends le caméscope et regarde la scène... »

§         « En effet !...J’ai parfois du mal à me reconnaître ! »

§         « C’est parce que tu n’étais pas attentif à la situation que tu vivais. »

- C : et comment cela ce serait-il passé, sinon ?

- P : si, comme lui suggérait le « caméraman », il avait été plus attentif, son comportement aurait été bien différent de celui qu’il a découvert après coup dans le film…et celui de son contradicteur également. 

- C : démonstration !...

- P : dans ce contexte d’altercation, les messages adressés par les sens au mental ne manquent pas, il y a même profusion ! On peut observer sur l’interlocuteur et sur soi-même : la posture, les gestes, les expressions du visage, la respiration, le ton et le débit des paroles… 

- C : cela fait beaucoup d’informations à percevoir, déjà sur l’autre personne, alors sur soi !

- P : bien sûr, si l’on envisageait de développer son attention, ce n’est pas un exercice avec lequel il conviendrait de débuter. Mais avec la volonté et le temps… 

- C : c’est comme tout !

- P : j’aime te l’entendre dire... Donc, en étant attentive à son interlocuteur, la personne prend immédiatement conscience de la teneur des propos, des expressions du corps et du visage, appréciant ainsi au plus juste l’évolution des sentiments déployés. Sur elle-même, elle constate les tensions corporelles, le rythme respiratoire et le foisonnement d’idées qui lui traversent l’esprit, prêtes à se transformer et se répandre en injures et vociférations ! 

- C : bien, et ensuite ? 

- P : ensuite intervient le travail en profondeur de l’attention. Elle offre une vision aiguë des événements, en facilite la compréhension, et surtout ne porte pas de jugement ! L’objectivité de l’information est garantie par le retrait de la conscience émotionnelle.

- C : un exemple ne serait pas de trop ! 

- P : je m’en rends compte aussi. Continuons sur la querelle qui nous occupait, elle ne peut pas mieux nous satisfaire sur ce point.

- C : tant mieux, ça évitera de se disperser. 

- P : pendant la dispute, des propos très injurieux sont émis. Dans un échange classique, on peut décrypter ainsi la séquence mentale de la personne qui reçoit les insultes : reconnaissance du sens de l’insulte, identification puis rejet, réaction coléreuse. Le mental de cette personne, moyennement attentive, est l’objet de deux flux : le premier transmet et traite les informations recueillies par les sens, le second se spécialise dans ce que l’on pourrait nommer « l’appel mémoire », il recherche des expériences similaires vécues par la personne pour initier une réponse appropriée. Dans le cas de l’insulte, il trouve et reconnaît une expérience désagréable.

- C : donc, si j’ai bien compris, le comportement de la personne insultée découlera de la résultante des deux courants d’informations qui parcourent son mental ? 

- P : oui. 

- C : d’accord. Et dans le cas d’une personne totalement attentive ? 

- P : ici, l’appel mémoire n’intervient pas, ou du moins reste quasi inexistant, car il est difficile d’envisager une rupture radicale. N’oublions pas qu’il s’agit de la conscience émotionnelle avec ses fluctuations incessantes, mêmes réduites à l’extrême, elles se manifestent toujours un peu. 

- C : c’est le résultat qui compte ! 

- P : bien sûr, et en l’occurrence, la quasi inexistence de l’appel mémoire empêche les passions d’émerger, permet de retenir l’information essentielle, et véhicule l’action juste.

- C : et pour terminer sur l’exemple de la querelle… 

- P : et bien, en agissant de cette façon, on peut espérer ramener son interlocuteur à de meilleurs sentiments. En effet, la posture attentive garde sous son contrôle les réactions intempestives dictées directement par l’instinct d’agressivité, ou nées de la surabondance des pensées qui s’agitent, et, ne trouvant plus de prises ou de motifs à renforcer ses attaques, le protagoniste est plus disposé à entamer un dialogue normal, du moins à voir son agressivité faiblir radicalement par manque de « carburant émotionnel » !

- C : comme cela me semble crucial dans l’approche de la conscience attentive, pourrais-tu revenir sur ce que tu nommes « l’appel mémoire » ?

- P : volontiers ! Et puis, la répétition est à la base de la pédagogie ! L’appel mémoire se produit lorsque nous ne sommes plus attentif, alors les informations perçues peuvent s’unir librement à d’autres éléments contenus dans la mémoire. Ces associations, notamment lorsqu’elles concernent des matériaux émotionnels puissants, peuvent entraîner des changements d’humeur et de comportements soudains et vigoureux. Cela se produit quand  l’identification à l’information stimulée s’avère intolérable, du moins est perçue comme telle.

- C : oui, on a vu le cas avec l’insulte. C’est lorsque l’on s’identifie à elle, quand l’ego, la personnalité toute entière s’assimile à l’injure, que la réaction émotionnelle surgit.

- P : voilà ! Pour rester sur cet exemple, essayons de suivre le processus mental : la pensée « insulte » fait intrusion dans la mémoire, une autre crée l’état d’identification, et la dernière enclenche la réaction émotionnelle appropriée. Stimulé à l’adrénaline par l’événement conflictuel, l’esprit est vif, mais ici on retrouve la différence fondamentale entre la concentration - état supportant le processus décrit - et l’attention : celle-ci analyse lucidement la situation, mais n’implique pas l’ego dans cette observation.

- C : le fait de ne pas réagir aux insultes peut être considéré comme de la faiblesse ou de la dévalorisation de soi ?

- P : cela fait partie du jugement social, des valeurs et considérations de la société dans laquelle on vit.

- C : c’était la question du candide, pour tenter d’exploiter toutes les pistes possibles, de ne rien laisser dans l’ombre.

- P : c’est très bien ! Alors essayons d’aborder la situation sous un autre angle pour l’approfondir.

- C : je suis tout ouïe...

- P : si l’on ne comprenait pas le sens des insultes, alors la réaction émotionnelle ne se produirait pas. Ici, l’attention donne une compréhension pleine et entière, mais empêche l’appel mémoire qui provoquera le choc émotionnel.

- C : donc l’absence de réaction ne résulte pas de la volonté, d’une lutte interne entre : « j’ai bien compris le sens des injures...cependant je me contiens pour ne pas réagir », mais de l’absence de connexion entre les insultes et les pensées émotionnelles associées ?

- P : oui. La personne attentive reste dans la compréhension seule, retient l’essentiel, exprime l’action juste correspondante, exclue la réponse émotionnelle. Ici, l’ego n’intervient pas, l’attention écarte le principe d’action et de réaction.

- C : j’ai compris. Juste une précision sur l’ego.

- P : oui...

- C : tu dis qu’ici l’ego n’intervient pas, pourtant c’est la source même de notre personnalité, c’est par lui que nous sommes !

- P : on peut aller très loin dans le concept de l’ego, affirmant par exemple que toute intention ou action, même inconsciente, procède d’un processus égotique, comme le fait de respirer notamment !

- C : c’est le cas pour les exercices de respiration contrôlée...

- P : ...oui, mais je pensais au phénomène vital en lui-même, qui se poursuit naturellement sans l’exercice de la volonté.

- C : tu associes l’ego aux périodes de veille et de rêve uniquement ?

- P : en fait, lorsque les consciences émotionnelle ou intellectuelle influent directement sur la personnalité, cela inclut donc le rêve. Dans le cas de l’attention, comme ceci a déjà été évoqué, les actes accomplis puisent certes dans les connaissances acquises, mais sont totalement ou pratiquement dénués de ressentis émotionnels. Cela n’empêche pas la sensibilité, bien au contraire ! Mais cette sensibilité a pour nom compassion, et non plus affectation ou sentimentalité.

- C : on accède à une autre forme de connaissance, en fait...

- P : oui ! Le changement de niveau de conscience induit par l’attention permet d’agir naturellement, dans l’harmonie, et non plus normalement, selon la norme ambiante.

- C : d’accord, mais ça, c’est la situation idéale !...

- P : certes, l’attention ne supprimera jamais la conscience émotionnelle,  car elle reste indéfectiblement reliée à l’activité cérébrale, mais ne sera plus présente que sous la forme de « bruits de fond » dont la puissance, réduite à minima par les effets de l’attention, ne pourra interagir efficacement avec la conscience attentive.

- C : entendu. Et l’ego comme émanation d’une conscience élargie, se maintenant et se manifestant au-delà de l’existence physique ?

- P : houlà !...Si tu souhaites en parler, on en parlera, naturellement, mais chaque chose en son temps. Terminons sur ce sujet certes passionnant, mais exigeant.

- C : c’était une distraction !...

- P : raison de plus pour revenir à l’attention ! Est-ce que c’est plus clair maintenant ?

- C : oui, il n’y a pas de problème, on voit bien l’effet de l’attention dans l’action immédiate, lorsqu’elle gère les émotions déclenchées par l’événement vécu. Mais qu’en est-il lorsqu’on doit faire face à de « vieilles émotions » inscrites profondément dans la mémoire, opiniâtres, résistantes, et qui refont surface régulièrement ?

- P : tu veux parler des souvenirs datés, non résolus, qui conservent leurs empreintes dans la conscience émotionnelle ?

- C : oui, ces vieux habits émotionnels dont certains psychologues et psychanalystes nous disent qu’il sera possible d’en guérir, mais que ce sera long, très long...

- P : ...et donc, que ça coûtera beaucoup d’argent, mais que ce n’est pas un problème car cela fait partie de la thérapie et facilitera d’autant la libération émotionnelle !...

- C : ...bien-sûr, en contrepartie, le thérapeute devra subir les affres d’une vie matérielle aisée et confortable, mais ce n’est pas grave, car sa formation incluait une psychothérapie qui le protège des tourments de la matérialité excessive !

- P : bon, bah...là, on s’est payé une bonne tranche de conscience émotionnelle...

- C : ...parfois, ça fait vraiment du bien !

- P : oui, quant on n’est pas attentif et qu’on vit dans l’excitation du moment !

- C : bon, revenons dans le « moment »...Alors, concernant les souvenirs anciens non désirés, mais qui s’invitent malgré tout ?

- P : la vague de fond qui déferle !

- C : c’est bien vu, et c’est bien ça...

- P : c’est un point très important, et pour y voir clair, il nous faut aller plus avant dans le mécanisme de l’attention, d’observer en nous-mêmes ce qui se passe lorsque nous sommes attentifs...

- C : ...et on aura la réponse ?

- P : en tous cas, cela montrerait que nous sommes sur la bonne voie !

- C : alors allons-y !

- P : installe-toi confortablement, puis, quand tu l’auras décidé, observe ce qui se passe dans ton mental. 

- ..........

- P : qu’as-tu remarqué ? 

- C : d’abord, presque rien, puis une ou deux pensées éparses. Après, lorsque j’en ai suivi une, elle m’a emmené loin par le biais d’autres pensées qui surgissaient de partout !

- P : la ronde des pensées en pleine action ! Maintenant, laisse venir à toi les informations que perçoivent tes sens (vue, ouïe…) prends-en simplement conscience, sans tension, mais sans relâchement non plus, bref, sois attentif ! 

- ..........

- P : alors ?

- C : je me sens bien… 

- P : c’est un bon début, mais au niveau du mental ? 

- C : pas de sensations particulières. Simplement, quand je perdais le fil… 

- P : tu veux dire, lorsque tu étais moins, ou plus du tout attentif ?

- C : oui.

- P : alors ?

- C : les pensées revenaient... 

- P : donc, pendant la période d’attention, les pensées avaient disparu ? 

- C : oui…mais ce n’était pas le vide ! 

- P : qu’est-ce que c’était alors ?

- C : la perception claire du monde qui nous entoure, comme celle de notre corps (sensations, respiration…), mais une perception globale et précise à la fois, qui se suffit à elle-même. Mais le plus extraordinaire, c’est la disparition des pensées parasites !

- P : l’attention crée cet espace entre deux pensées. Le flux de pensées n’est pas continu, simplement, une production abondante peut le laisser croire, comme l’on est persuadé que l’eau qui coule du robinet est un flot incessant. Mais si notre vision avait la capacité d’un microscope électronique, nous verrions que les molécules d’eau (la plus petite partie de ce liquide qui en conserve les propriétés) qui se succèdent, sont séparées.

- C : mais la pensée est produite par le cerveau sous forme d’impulsions électriques. Et le courant électrique est une énergie, bien différent d’un solide ou d’un liquide...

- P : oui, mais depuis les travaux du physicien allemand Max Planck en 1900, on sait désormais que même l’énergie n’est pas continue, qu’elle est constituée ultimement de « paquets d’ondes », appelés quanta d’énergie. Inutile d’aller plus loin...

- C : non. Poursuivons toutefois l’étude des vieilles pensées importunes. Il arrive qu’une seule pensée obsédante, relativement puissante de par l’événement douloureux qu’elle véhicule, obnubile complètement la conscience, et là, on ne peut plus parler d’espace entre deux pensées ?

- P : en fait, il faut distinguer le phénomène physique de la pensée, reposant sur les impulsions électriques, et l’impression subjective qu’elle suscite, dans le sens où elle concerne le sujet, la personne qui perçoit, éprouve, et ressent le contenu de cette pensée. C’est un peu comme le sillage laissé par un navire qui glisse sur l’eau : le bateau est passé, mais l’on peut observer encore son parcours par la trace d’écume qu’il laisse derrière lui. Ici, bien-sûr, le phénomène est plus complexe, mais le sillage, c’est la multitude de pensées produites par la pensée initiale, la « pensée racine » en quelque sorte, objet de l’ancien tourment.

- C : d’accord. Et finalement, comment agir ?

- P : c’est vrai, j’oubliais l’essentiel !

- C : c’est bien d’être deux...

- P : tout à fait ! Concrètement, par rapport à l’exercice auquel tu t’es livré tout à l’heure pour découvrir les effets de l’attention, le principe est le même. Ce qui changera, c’est la persistance de l’état attentif. En clair, la durée de cet espace entre deux pensées...

- C : ...la période d’attention, comprise entre deux moments d’inattention.

- P : c’est une bonne description...

- C : ...et qui sera très courte !

- P : pour ça, oui ! Car être attentif relève de la volonté, tandis que le flot de pensées émanant de la conscience émotionnelle se déverse sans qu’on l’invite, et sans efforts ! Il faut donc revenir à l’attention chaque fois que les pensées parasites se manifestent.

- C : vingt fois sur le métier...

- P : ...à chaque fois !

- C : bien...on pourrait faire une pause ?

- P : oui, ça permettra de se ressourcer un peu...Alors, poursuivons notre découverte du « dernier » Beethoven, avec deux œuvres fulgurantes. La première - une partie seulement, vu sa longueur -, la Missa Solemnis (10), dont nous écouterons : le gloria, le credo, le sanctus et le benedictus. Je sais que tu connais bien la neuvième symphonie (11), alors j’ai préféré te faire découvrir cette autre œuvre chorale, contemporaine de « l’hymne à la joie ». Après, vingt minutes de musique surhumaine !...

- C : même après la Missa Solemnis ?

- P : c’est d’une veine identique, c’était pour faire un petit effet ! Ce sera la Grande Fugue (12). Initialement prévue pour conclure son treizième quatuor à cordes, mais dont l’écoute a tellement déconcerté les auditeurs que Beethoven lui a substitué un autre final. La version que nous allons écouter est une transcription pour orchestre à cordes, non pas réalisée par Beethoven lui-même (il l’a transcrite pour piano), mais...

- C : ... « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » !

- P : c’est tout à fait ça...et quelle ivresse !...

- ..........

- C : Ah, là, là !...

- P : oui, oui, oui...Bon, on repart sur l’attention ?

- C : on repart !

- P : une petite transition, qui se rapporte bien à notre sujet, simplement pour montrer la difficulté à décrire, et surtout transmettre l’état d’attention de façon indéniable, et qu’il ne soit pas confondu avec la concentration. On l’a dit, mais...

- C : on peut le redire !

- P : il est possible de décrire ce qu’est le miel en indiquant : le travail des abeilles, sa fabrication, ses propriétés. Mais lorsque l’on évoque sa texture, sa consistance en bouche, et surtout son goût, les choses se compliquent vraiment pour transmettre l’information fidèle, objective. Puis, on fait goûter le miel...et c’est lorsque l’on entend la personne, à qui cette description était destinée, dire : « ça y est ! C’est ça le miel ! », on est sûr qu’elle a compris !

- C : et encore, il existe une multitude de variétés de miels !...

- P : justement, ce que tu dis tombe à pic ! D’une part, un faisceau d’indices indiquera ce qu’est l’attention (absence de tensions, sens optimisés, absence ou raréfaction des pensées parasites, non jugement, compréhension et acceptation facilités...), mais c’est lorsque la personne qui s’essaye à cette nouvelle perception dira : « ça y est ! C’est ça l’attention ! », après l’avoir éprouvée intimement, que la connaissance sera véritablement assimilée...

- C : ...et d’autre part ?

- P : c’est bien, tu laisses rien passer ! J’y viens. Et d’autre part, en référence aux différentes variétés de miel, il y a bien une substance unique, le miel, mais aux arômes multiples, la fleur d’origine butinée par les abeilles. Pour l’attention, elle est unique par sa nature et ses effets, mais révélera une « saveur » particulière, spécifique de la conscience qui l’éprouvera.

- C : et l’attention au quotidien ?

- P : l’attention est une fonction naturelle du mental. Tout peut être objet d’attention ; donc, dès l’instant du réveil au moment de l’endormissement, les occasions d’exercer son attention ne manquent pas. 

- C : on dit qu’il n’est pas possible de rester attentif longtemps, par exemple que les étudiants le sont en moyenne dix minutes sur une heure de cours ? 

- P : on dit beaucoup de choses...L’exemple que tu donnes montre justement la confusion entre concentration et attention. Il s’agit bien, dans ce cas précis, d’un travail de concentration de l’esprit sur un thème particulier, plus ou moins difficile à saisir. La concentration, à l’inverse de l’attention, est tout effort, et ne peut se prolonger longtemps. Pour s’en rappeler, il suffit de penser à l’image du rayon d’énergie mentale que l’on veut maintenir (concentration), face à la sphère dont les « rayons » captent naturellement les informations sensorielles. L’attention proscrit l’effort. 

- C : lorsque tu définis l’amplitude, dans une journée, où l’on peut être attentif, n’incites-tu pas à une forme voilée d’exigence ou de performance ? 

- P : surtout pas ! En disant que l’on peut être attentif à partir du moment où l’on se réveille, je montre simplement que l’attention est possible dès que la personne « récupère sa conscience », et que dans cet intervalle, il n’y a pas - ou il ne devrait pas y avoir - de moments privilégiés. Mais il ne faudrait pas commencer la journée avec ce challenge : « aujourd’hui je m’impose une heure d’attention, demain ça sera une heure dix etc. » ! Surtout pas!

- C : je suis rassuré ! Comment envisages-je tu une journée type ? 

- P : il n’y a pas de journée type. Chaque jour apporte son lot d’événements, d’impressions, de rencontres, il nous appartient de les vivre du mieux possible dans le respect et la compréhension mutuelle. L’attention peut nous y aider vigoureusement. 

- C : je ne doute pas de ce que tu dis, que l’attention soit une fonction naturelle, qu’elle est capable de transformer notre état de conscience, certainement jusqu’à des degrés insoupçonnés...

- P :...mais ?

- C : tu me connais bien !

- P : depuis un certain temps déjà !

- C : effectivement...Je ne m’exprime sur le sujet qu’à partir de l’expérience récente et furtive, et ce que je ressens, c’est que ce n’est pas si facile que cela, qu’on a un peu l’impression de marcher sur un fil, que les occasions de retomber dans l’inattention sont nombreuses, et que les moments d’attention véritables ne sont que des îlots dans un vaste océan !

- P : c’est une réaction tout à fait normale. Tu commences à peine de faire l’expérience de l’attention. Bien que ça ne soit pas facile, je vais rebondir sur le fil !...On peut considérer que la personne attentive se maintient en équilibre, évitant de verser d’un côté ou de l’autre dans des « abîmes émotionnels », comme un funambule qui doit constamment veiller à se maintenir sur son fil. Avec le temps, la vigilance transforme le fil en voie élargie, et la progression s’en trouve de plus en plus assurée. Si les perturbations ne disparaissent jamais complètement, leurs effets s’estompent rapidement, et l’on s’en abstrait facilement...

- C : ...on tangue beaucoup moins lorsque l’on s’écarte du point d’équilibre !

- P : voilà !

- C : pour conclure...

- P : on ne conclut pas avec l’attention, c’est toujours neuf ! Mais bon... Si l’attention offre une réponse admirable aux situations difficiles et conflictuelles, elle ne se limite pas à celles-ci, c’est aussi et surtout un merveilleux moyen de profiter pleinement de ces instants de bonheur que nous offre la vie : jouir de l’instant présent, apprécier le spectacle de la nature ou celui d’une œuvre artistique, et spécialement, retrouver la véritable relation entre les êtres, celle de l’écoute simple qui abolit tous les clivages et délivre de toutes les peurs : peur de la réaction, peur de décevoir, peur de l’échec...

- C : que dire après cela...rien ! Ecouter de la musique ?

- P : lorsqu’il n’y a plus rien à dire, on peut toujours trouver une place pour la musique !

- C : et après Beethoven, car je suppose que les deux œuvres que nous avons entendues la fois dernière marquaient la fin du cycle beethovénien ?

- P : oui. On continue notre périple dans l’histoire de la musique avec Berlioz. Une œuvre monumentale, la symphonie Funèbre et Triomphale (13). Composée pour l’inauguration de la colonne de juillet - la colonne de la Bastille, à Paris -. Destinée à une exécution en plein air, on va donc ouvrir les fenêtres...

- C : ...et les oreilles !

- P : la musique va s’en charger !

- ..........

P : ça fait le plein !

C : je vais pouvoir revenir chez moi en courant !

P : on se revoit donc dans quinze jours ? Ça te permettra de mieux faire connaissance avec l’attention, et de me faire part de tes remarques.

C : d’accord. Avec plaisir !



Haydn :

(1) Quatuor opus 76 n° 3 "L'empereur"

http://www.youtube.com/watch?v=qoD3bAtmUJk

 (2) Les saisons

https://www.youtube.com/watch?v=Kj_bOJrXE0E

(3) La création

https://www.youtube.com/watch?v=d6hArxytxGM


Beethoven :


(4) : Symphonie n° 7

https://www.youtube.com/watch?v=Rwy6PL67JFQ

(5) Sonate pour piano n° 28

https://www.youtube.com/watch?v=6i-_eRTZwBA

(6) Sonate pour piano n° 8 "Pathétique"

https://www.youtube.com/watch?v=tXAPfMhykS8

(7) Sonate pour piano n° 14 "Clair de lune"

https://www.youtube.com/watch?v=q5OaSju0qNc

(8) Sonate pour piano n° 23 "Appassionata"

https://www.youtube.com/watch?v=MZ2J1eFM-Rs

(9) Sonate pour piano n° 32

http://www.youtube.com/watch?v=hKk-nntXrn4

(10) Missa Solemnis

http://www.youtube.com/watch?v=63sKnm-WJPE

(11) Symphonie n° 9

http://www.youtube.com/watch?v=sJQ32q2k8Uo

(12) Grande fugue

http://www.youtube.com/watch?v=_weEGDmtpSI 

(13) Berlioz : Symphonie Funèbre et Triomphale

http://www.youtube.com/watch?v=BEcSQ8BTlPQ