Texte lu
Ce
fut une conversation parmi bien d’autres avec un ami. Il était empressé de
s’exprimer et cherchait une oreille attentive.
Bien
que la thématique de l’échange ne s’y prêtât pas, il s’arrêtait périodiquement
et soudainement, alors un bref sanglot suivait le silence. Reprenant
contenance, il disait : « C’est ridicule ! »
Pourquoi
ce jugement péremptoire ? Car un homme, cela ne pleure pas, notamment pour
des circonstances futiles !
Est-on
bien certain de cela ?
Cette
réponse prend sa source dans l’éducation classique que l’on inculque aux
enfants afin qu’ils sachent comment se comporter plus tard en société.
Mais
les larmes révèlent simplement un « trop-plein » émotionnel.
Or,
il y a souvent un fossé entre l’éducation et la sagesse corporelle, riche de
millions d’années d’expérience.
Pleurer
évite de contenir les émotions, de les maintenir sous pression et peut-être,
avec le temps et le renouvellement, à favoriser l’émergence de certaines
pathologies.
Il
est possible de ne pas vivre sous dépendance émotionnelle en recourant à
l’attention, y substituant la sensibilité, mais cela demande compréhension et
constance.
Mais
venons-en à l’objet essentiel de cette conversation : il avait changé,
c’était comme une révélation ; dorénavant, il allait s’adonner à voir du
monde, provoquer des rencontres, fréquenter des groupes afin de partager nombre
d’activités.
« Connaissant
cet ami de longue date, il émit ce propos : « C’est bien. Le cerveau
est programmé pour faciliter les relations sociales, si l’on s’engage dans
cette expérience, il adore cela et active la zone de récompense ! »
Alors
la réponse fusa : « C’est toi qui me dis ça ? »
Connaissant
bien le parcours de son interlocuteur, l’étonnement était pratiquement la seule
réaction possible.
En
effet, sans être reclus, vivant dans le monde sans être du monde, il essayait
de vivre le contact avec les personnes par l’attention, mais ne participait à
aucune activité organisée, de nature sportive, ludique ou culturelle.
Etait-il
une exception, comme le lui rappelait fréquemment l’ami qui avait
changé ?
La
réponse immédiate est oui !
Seulement,
doit-on se contenter de cet affect primesautier ? Ne serait-ce pas là
simplement le vernis auquel nous nous sommes tellement habitués, tant il
recouvre et masque si bien la superficialité des événements ?
Essayons
de dépasser ce stade habituel, peut-être y découvrirons-nous des enseignements
susceptibles de connaître notre nature plus en profondeur !
Tout
d’abord, le bons sens : être une exception relève de l’arithmétique
basique ; pour une personne cela détermine, dans une population
représentative (caractéristiques, appartenance au groupe, nombre significatif),
le pourcentage des êtres que l’on qualifie ainsi. Si ce taux est faible, et que
ces personnes diffèrent par leur comportement, on peut effectivement les
considérer comme des exceptions.
Mais
au-delà de cela, essayons d’envisager la situation de manière objective, en
l’occurrence, sans passer par le filtre émotionnel qui va impressionner le
mental.
L’exception
s’apprécie au regard de la normalité, qui elle-même reflète un modèle
particulier, le modèle sociétal.
Que
prône ce modèle ? Il est facile de s’en rendre compte en observant l’état
du monde : les divergences, les inégalités et les souffrances générées.
Mais
il semble que l’on s’éloigne du sujet, d’ailleurs, le titre nous le
rappelle : « Cerveau et relations sociales ».
La
relation sociale, donc, est au cœur du cerveau, elle fait partie de sa
programmation et s’exerce par la recherche de comportements grégaires.
Dès
lors, ne serait-ce pas antinaturel de se poser en exception face à cette
manière d’être innée ? Cela mérite effectivement réflexion !
En
préalable, un constat : si le cerveau facilite la relation sociale,
pourquoi tant de conflits ?
C’est
la résultante de deux composantes : la conscience avec ses schémas
mémoriels (éducation, réflexions, sentiments...), et l’influence du modèle
sociétal, notamment la place que l’on occupe en son sein.
Considérons
maintenant le rôle du cerveau dans la mémorisation. Pour cela, faisons le
parallèle avec un système informatique. Ce que l’on appelle l’ordinateur, c’est
l’unité centrale (UC), elle contient tous composants nécessaires à son fonctionnement :
processeur, carte-mère, disque dur, mémoire vive, carte réseau (Internet)...
De cette
configuration, retenons les périphériques de stockage : les disques durs.
Ils sont nommés par des lettres majuscules, à partir de C (disque principal),
suivi de deux points (C :).
Par
défaut, tous les nouveaux programmes installés sont dirigés sur C. Si le
système comporte plusieurs disque durs, l’opérateur peut choisir l’un d’eux à
condition que cette option soit possible.
Peut-on
transposer cette technique avec le cerveau ? Oui, et mieux encore !
Il s’agit de la reprogrammation cérébrale.
Comment
procéder ?
En
discernant les schémas mentaux ; en choisissant de ne plus subir
certains ; en choisissant sa manière d’être. Pour ce faire, maintenir une
vigilance par l’attention.
Ainsi
se manifeste l’impression que l’on ne peut agir autrement. Ce sentiment peut
être le point de départ d’une prise de conscience : est-ce
inéluctable ? Ne peut-on que constater une conscience réduite au rôle
d’automate ? N’est-il pas possible de se ressaisir ? Ce n’est pas facile,
mais pas impossible. Alors commence un travail patient, reconstructif, par
lequel on se réapproprie sa personnalité.
Lorsque
cela s’installe progressivement, jusqu’à remplacer les anciennes
représentations mentales, les attentes de l’existence changent
radicalement :
- Le
désir de nouer de nouvelles relations s’estompe, disparaît, et avec lui la
grégarité.
- Cela implique-t-il la survenue d’une
misanthropie à toute épreuve ? Non, bien au contraire, cela est vécu comme
une libération à partir de laquelle l’ouverture aux autres se manifeste, sans
attente, simple et naturelle.
- Mais alors, qu’en est-il des relations
anciennes ? Elles perdurent, mais s’avèrent dépourvues d’attentes
personnelles, on ne donne pas son amour ou son amitié pour, par réciprocité, en
recevoir de la satisfaction émotionnelle.
Donc :
- Si ce comportement est considéré comme
une exception, il l’est simplement de façon
statistique, au regard de la conduite la plus employée dans un modèle sociétal
donné.
- Il n’est pas antinaturel : il
envisage simplement les « autres » comme des consciences,
fondamentalement identiques à la sienne, différentes simplement par la façon
d’aborder les expériences.
S'atteler à cette reprogrammation relève de l'intime, elle repose sur le libre arbitre et la volonté.
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