Texte lu
Voici
une petite scène entre trois interlocuteurs.
« Tu
vas déménager... Quand tu vendras ton appartement, comme tu en as beaucoup, tu
laisseras les meubles ? »
« Je
ne sais pas. En tout cas, je garderais et j’emporterais le meuble qui me vient
de ma grand-mère. »
« La
troisième personne ne disait rien. Un silence qui ne passa pas inaperçu. L’un
d’eux lui lança : « Oui, je sais ce que tu vas dire ! » »
« Je
n’ai rien dit. »
« Mais
tu l’as pensé si fort ! »
« Ah
bon. Et de quoi s’agit-il ? »
« Qu’il
ne faut pas s’attacher aux objets. »
« C’est
une possibilité. »
« Ah,
tu vois ! Mais toi, je suppose que tu n’as pas de meubles ou d’objets qui
appartenaient à tes parents ? »
« Si. »
« Ah,
quand même ! Et alors ? »
« J’ai
notamment deux meubles de mon grand-père : l’un faisait partie de la
chambre qu’il acheta lorsqu’il s’installa après son mariage, l’autre qu’il
confectionna lui-même (il était ébéniste) : une commode. »
« Parlons
donc de cette commode. C’est un souvenir particulier, une création de ton
grand-père. »
« C’est
effectivement le cas pour la création. »
« Et
cela n’évoque pas des souvenirs, un attachement spécial à cet objet ? Et
d’abord, t’en séparerais-tu ? »
« Beaucoup
de questions, aussi, dans l’ordre : des souvenirs : oui ; un
attachement spécial : non ; pourrais-je m’en séparer ?
Oui. »
« Incroyable.
Et pourquoi gardes-tu ces meubles ? »
« Pour
leur utilité. »
« Et
le fait que cela soit ton grand-père, que tu aimais bien, qui l’a conçu, t’en
séparer ne te ferais vraiment rien ? »
« La
conception de ce meuble procédait d’une expérience de conscience parmi
d’autres, vécue par mon grand-père. Ce qui importe, c’est lui en tant que
conscience, une conscience fondamentalement identique à toutes les autres,
notamment lorsqu’elle n’est pas accaparée par des expériences, quelles qu’elles
soient : cela se produit lorsque l’attention emplit le champ de la
conscience. Donc, par l’attention, je suis mon grand-père comme élément d’une
conscience universelle, non pas au niveau de la personnalité ou de
l’ego. »
« Je
ne sais pas si je te comprendrais un jour ! »
« Qui sait... »
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