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02/01/2012

149. Amitié et attention


Texte lu


La conscience ordinaire qui œuvre au quotidien, et s’appuie sur les émotions et l’intellect, s’élabore à partir de constructions mentales : qu’il s’agisse des tâches répétitives auxquelles on doit satisfaire, des croyances, des certitudes, des choix en amitié… Ces édifices mentaux s’articulent et se relient entre eux par le biais de la mémoire, c’est l’un des fondements du problème.

Deux entités participent à la réalisation de ces constructions mentales : le maître d’ouvrage (celle qui décide des constructions mentales à édifier) et le maître d’œuvre (celle qui participe à leur construction et leur entretien). Naturellement, ces deux entités n’en font qu’une : la personnalité égoïque, disons l’ego pour simplifier.

On va s’intéresser ici à l’une de ces constructions mentales : l’amitié. Vaste sujet ! En effet, pris dans le tourbillon, souvent malsain, du modèle sociétal dans lequel nous sommes plongés, quel réconfort, quel havre de paix peut nous apporter la fréquentation des amis !

Comment se construit une amitié ? Voici un schéma à la fois possible et commun : fréquentation de personnes, découverte d’affinités, plaisir de les partager, renforcement des liens au cours du temps.
On suppose cela bien compris. Tentons une analogie avec ce qui va suivre.

Au début, il y a ce terrain en friche, puis égalisé pour accueillir les prémisses d’un chantier de construction. Enfin le bâtiment apparaît dans son intégrité, puis il subit les affres de la dégradation, avant d’être détruit. Cette construction possède une apparence que l’on apprécie, mais l’on aime plus encore s’y retrouver à l’intérieur et partager des moments d’échange et de complicité.

Par ailleurs, rien ne saurait troubler la communion qui règne à l’intérieur, aussi, à la moindre disharmonie, un trouble envahit le mental, c’est comme une lézarde qui s’agrandirait démesurément à la surface de ce bel édifice : on ne voit plus qu’elle !

Alors, plus question de partager des moments agréables dans ce milieu naguère exquis. Ce que la conscience a construit, la conscience le détruit !

Ce scénario de l’amitié, tel qu’il prend forme dans la conscience ordinaire, peut-il se manifester lorsque l’attention modifie le niveau de conscience ? Abordons maintenant la thématique de l’amitié et de l’attention en posant la question : « Est-il possible de développer des relations amicales lorsque l’on place l’attention au cœur de l’être ? »

Oui, mais avec une perception et des conséquences bien différentes.

Pour fixer les idées, considérons les relations entre une personne faisant de l’attention son centre d’action, et d’autres personnes.

Des relations prennent forme, certaines s’inscrivent dans le temps.
Elles se différencient par la quantité d’informations collectées au cours du temps, et la décision de maintenir ou non la relation.

Parmi ces informations, certaines peuvent ne pas s’inscrire dans le cercle de partage, mais cela n’affectera pas la personne attentive, dans la mesure où il n’y a pas péril en la demeure (et cela serait détecté immédiatement par l’attention). L’amitié vécue dans l’attention n’impose pas de choix devant satisfaire les deux parties, s’il y a désaccord, on n’évoque pas le sujet, respectant la liberté de chacun.
Avec l’attention, la conscience ordinaire étant placée en retrait pour la manifestation des pensées parasites, il ne saurait y avoir d’ossature rigide imposée à la construction mentale que l’on nomme amitié.

-      Une question.

-      Oui.

-      Mais la personne en quête d’amitié pourra dire : « J’ai besoin de cette présence, cela me renforce. Et s’il m’arrivait un problème, cela est réconfortant de pouvoir compter sur cette amitié ! »

-      Cela ne reflète qu’une chose, l’attachement que manifeste l’ego. On revêt ce comportement de vêtements d’apparats, comme l’amitié, pour qu’il soit plus présentable.

-      Et comment agirait une personne attentive ?

-      Placée face à une demande, elle interviendra naturellement, dans la mesure de ses moyens, sans calcul, sans que son geste ne soit guidé par des décennies d’amitié.

-      Une autre question.

-      Oui.

-      Tu laisses entendre que notre existence ne serait qu’une accumulation de constructions mentales, utilisant la mémoire comme « ciment ».

-      Je confirme.

-      Et tu conclues en affirmant que la mémoire est le problème essentiel.

-      Oui, j’ai raccourci l’énoncé au risque d’y introduire la confusion.

-      Je suis confus effectivement !

-      Alors, essayons de lever cette confusion.

-      J’en serais ravi !

-      C’est de la mémoire subjective dont il s’agit, celle qui s’applique à pigmenter les événements de colorations émotionnelles. Une personne attentive n’en ressent pas les effets.

-      Mais la mémoire est nécessaire dans l’existence sinon, comment effectuer, même les tâches les plus banales du quotidien ? Comment pratique une personne attentive, comme tu le dis, si elle n’en ressent pas les effets ?

-      Bien sûr que la mémoire est nécessaire dans notre existence. Une personne attentive possède cette mémoire indispensable. Mais je parle des effets de la mémoire lorsque celle-ci s’abreuve au réservoir émotionnel.

-      Ce n’est pas bien d’avoir des émotions ?

-      On confond les émotions avec la sensibilité.

-      C’est-à-dire ?

-      Les émotions produisent une forme d’excitation qui peut amener l’accoutumance, même pour les émotions négatives (certaines personnes se complaisent dans le mal-être). Pour les émotions positives, cette réaction exaltante devient un code du bien-vivre ensemble, en être dépourvu devient suspect. La sensibilité est une réponse émanant du partage, elle reflète la sympathie, aucune excitation ne l’affecte.

-      D’accord.

-      Encore des questions ?

-      Non, ça ira.

N'hésite pas sinon.

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