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11/11/2011

171. Cerveau et relations sociales


Texte lu


Ce fut une conversation parmi bien d’autres avec un ami. Il était empressé de s’exprimer et cherchait une oreille attentive.

Bien que la thématique de l’échange ne s’y prêtât pas, il s’arrêtait périodiquement et soudainement, alors un bref sanglot suivait le silence. Reprenant contenance, il disait : « C’est ridicule ! »

Pourquoi ce jugement péremptoire ? Car un homme, cela ne pleure pas, notamment pour des circonstances futiles !

Est-on bien certain de cela ?

Cette réponse prend sa source dans l’éducation classique que l’on inculque aux enfants afin qu’ils sachent comment se comporter plus tard en société.

Mais les larmes révèlent simplement un « trop-plein » émotionnel.

Or, il y a souvent un fossé entre l’éducation et la sagesse corporelle, riche de millions d’années d’expérience.

Pleurer évite de contenir les émotions, de les maintenir sous pression et peut-être, avec le temps et le renouvellement, à favoriser l’émergence de certaines pathologies.

Il est possible de ne pas vivre sous dépendance émotionnelle en recourant à l’attention, y substituant la sensibilité, mais cela demande compréhension et constance.

Mais venons-en à l’objet essentiel de cette conversation : il avait changé, c’était comme une révélation ; dorénavant, il allait s’adonner à voir du monde, provoquer des rencontres, fréquenter des groupes afin de partager nombre d’activités.

« Connaissant cet ami de longue date, il émit ce propos : « C’est bien. Le cerveau est programmé pour faciliter les relations sociales, si l’on s’engage dans cette expérience, il adore cela et active la zone de récompense ! »

Alors la réponse fusa : « C’est toi qui me dis ça ? »

Connaissant bien le parcours de son interlocuteur, l’étonnement était pratiquement la seule réaction possible.

En effet, sans être reclus, vivant dans le monde sans être du monde, il essayait de vivre le contact avec les personnes par l’attention, mais ne participait à aucune activité organisée, de nature sportive, ludique ou culturelle.

Etait-il une exception, comme le lui rappelait fréquemment l’ami qui avait changé ?

La réponse immédiate est oui !

Seulement, doit-on se contenter de cet affect primesautier ? Ne serait-ce pas là simplement le vernis auquel nous nous sommes tellement habitués, tant il recouvre et masque si bien la superficialité des événements ?

Essayons de dépasser ce stade habituel, peut-être y découvrirons-nous des enseignements susceptibles de connaître notre nature plus en profondeur !

Tout d’abord, le bons sens : être une exception relève de l’arithmétique basique ; pour une personne cela détermine, dans une population représentative (caractéristiques, appartenance au groupe, nombre significatif), le pourcentage des êtres que l’on qualifie ainsi. Si ce taux est faible, et que ces personnes diffèrent par leur comportement, on peut effectivement les considérer comme des exceptions.

Mais au-delà de cela, essayons d’envisager la situation de manière objective, en l’occurrence, sans passer par le filtre émotionnel qui va impressionner le mental.

L’exception s’apprécie au regard de la normalité, qui elle-même reflète un modèle particulier, le modèle sociétal.

Que prône ce modèle ? Il est facile de s’en rendre compte en observant l’état du monde : les divergences, les inégalités et les souffrances générées.

Mais il semble que l’on s’éloigne du sujet, d’ailleurs, le titre nous le rappelle : « Cerveau et relations sociales ».

La relation sociale, donc, est au cœur du cerveau, elle fait partie de sa programmation et s’exerce par la recherche de comportements grégaires.

Dès lors, ne serait-ce pas antinaturel de se poser en exception face à cette manière d’être innée ? Cela mérite effectivement réflexion !

En préalable, un constat : si le cerveau facilite la relation sociale, pourquoi tant de conflits ?

C’est la résultante de deux composantes : la conscience avec ses schémas mémoriels (éducation, réflexions, sentiments...), et l’influence du modèle sociétal, notamment la place que l’on occupe en son sein.

Considérons maintenant le rôle du cerveau dans la mémorisation. Pour cela, faisons le parallèle avec un système informatique. Ce que l’on appelle l’ordinateur, c’est l’unité centrale (UC), elle contient tous composants nécessaires à son fonctionnement : processeur, carte-mère, disque dur, mémoire vive, carte réseau (Internet)...

De cette configuration, retenons les périphériques de stockage : les disques durs. Ils sont nommés par des lettres majuscules, à partir de C (disque principal), suivi de deux points (C :).

Par défaut, tous les nouveaux programmes installés sont dirigés sur C. Si le système comporte plusieurs disque durs, l’opérateur peut choisir l’un d’eux à condition que cette option soit possible.

Peut-on transposer cette technique avec le cerveau ? Oui, et mieux encore ! Il s’agit de la reprogrammation cérébrale.

Comment procéder ?

En discernant les schémas mentaux ; en choisissant de ne plus subir certains ; en choisissant sa manière d’être. Pour ce faire, maintenir une vigilance par l’attention.

Ainsi se manifeste l’impression que l’on ne peut agir autrement. Ce sentiment peut être le point de départ d’une prise de conscience : est-ce inéluctable ? Ne peut-on que constater une conscience réduite au rôle d’automate ? N’est-il pas possible de se ressaisir ? Ce n’est pas facile, mais pas impossible. Alors commence un travail patient, reconstructif, par lequel on se réapproprie sa personnalité.

Lorsque cela s’installe progressivement, jusqu’à remplacer les anciennes représentations mentales, les attentes de l’existence changent radicalement :

     - Le désir de nouer de nouvelles relations s’estompe, disparaît, et avec lui la grégarité.

     - Cela implique-t-il la survenue d’une misanthropie à toute épreuve ? Non, bien au contraire, cela est vécu comme une libération à partir de laquelle l’ouverture aux autres se manifeste, sans attente, simple et naturelle.

     - Mais alors, qu’en est-il des relations anciennes ? Elles perdurent, mais s’avèrent dépourvues d’attentes personnelles, on ne donne pas son amour ou son amitié pour, par réciprocité, en recevoir de la satisfaction émotionnelle.

Donc :

     - Si ce comportement est considéré comme une exception, il l’est simplement de façon statistique, au regard de la conduite la plus employée dans un modèle sociétal donné.

     - Il n’est pas antinaturel : il envisage simplement les « autres » comme des consciences, fondamentalement identiques à la sienne, différentes simplement par la façon d’aborder les expériences.

S'atteler à cette reprogrammation relève de l'intime, elle repose sur le libre arbitre et la volonté.



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