Texte lu
Les recherches, les études et les expériences sur le sujet indiquent que la représentation du monde dans lequel nous évoluons émane du cerveau. Ce que nous savons moins, ignorons, ou refusons d’admettre, c’est qu’il en est de même concernant le mode de vie que nous choisissons.
Notre conception de l’existence s’est
forgée patiemment, quotidiennement, par petites touches issues de l’éducation,
des modèles observés, des réactions provoquées suscitant l’imitation ou le
rejet.
Au fil du temps, le cerveau fera son miel
de ces différents éléments, tissant une trame solide et durable.
Exemple et premier décor.
Si réussir sa vie consiste à construire et
faire fructifier un patrimoine, se garantir de l’imprévu, mettre sa famille à l’abri
du besoin, puis transmettre ces biens afin que les enfants continuent à vivre
dans cet esprit sécuritaire, perpétuant ainsi le modèle légué, alors, tous les
efforts et les moyens pour élaborer ce schéma et le maintenir dans la durée
seront employés.
Changement de décor.
Bien installé matériellement dans
l’existence, en conformité avec les choix initiaux, un événement imprévu vient
bouleverser cette économie. Afin d’envisager au mieux cet incident, il
conviendrait d’effectuer un travail personnel favorisant un changement de
niveau de conscience.
Si la technique employée pour y parvenir
n’offre pas de difficultés particulières en soi, ses effets peuvent
déstabiliser le schéma mental habituel que le cerveau s’emploie à produire et
maintenir. Cela se manifeste par des résistances, comme autant de remparts
dressés par la conscience ordinaire, persuadant de l’impossibilité à franchir
cette digue, de ne jamais pouvoir connaître la transformation salutaire.
Prenons un peu de champ, de la distance
avec ces deux problèmes : le drame troublant le quotidien, et l’incapacité
à le résoudre en s’engageant dans une démarche personnelle de changement de
niveau de conscience.
Il semblerait qu’il faille peu de choses,
finalement, pour franchir le cap : y consacrer du temps et de la patience,
ne pas s’acharner, procéder par petites touches, espacer les tentatives de
renouvellement de la trame psychique. Mais la volonté plie bien souvent sous
l’achoppement, et si le renoncement n’est pas encore acté, de longues plages
d’interruptions saturées « d’aquoibonisme » s’invitent régulièrement,
composant un paysage familier.
Pourtant, comparé aux premiers efforts,
ceux qui permirent d’établir une assise matérielle solide reposant sur le
patrimoine et la situation sociale, cela semble anodin : il suffit
simplement d’être attentif et d’écouter
son cœur. Alors pourquoi ces résistances et ces réticences ?
Par ce qui consacre le premier, et
qu’implique le second.
Le premier se résume dans un qualificatif :
la réussite sociale. Ce défi subjugue (il s’adresse directement à la conscience
émotionnelle !) par son accès, a priori réservé à tous, et rassure à
travers son ancrage économique et législatif, édifiant une société qui valorise
la prospérité et proclame l’affirmation de soi : le droit de propriété est
un pilier fondamental du modèle social, un acte considéré comme naturel,
inscrit en très bonne place dans la plupart des constitutions.
Le second projette directement à la racine
de l’être, bouscule les bases établies, et surtout nous confronte au
« regard des personnes que l’on aime ». En effet, au-delà du
changement personnel, il faut compter avec la réaction des proches qui, ne
partageant pas le même engagement, se verraient plongés soudainement dans
l’incompréhension, le rejet et le ressentiment.
En soi, être attentif n’implique pas un effort surhumain, mais lorsque
cette attitude « ouvre » la conscience, la défriche, en dévoile
certains aspects, cela peut être rude à supporter, notamment si
l’amoindrissement de l’attention favorise l’intrusion de la conscience
émotionnelle.
La richesse, les possessions ne sont pas
des obstacles insurmontables au changement de niveau de conscience, mais
constituent un véritable paradoxe en la circonstance.
En écrivant ces lignes, il semble bien
qu’une petite voix intérieure hurle le contraire ! N’a-t-elle pas
raison ? Il s’avère que les faits qui, rappelons-le, sont têtus lui
apportent un soutien appuyé. Alors ? La solution dans le paradoxe évoqué,
dont la fonction est de réfuter les idées reçues.
Véritable clé de voûte assurant le
maintien et la domination dans un modèle
sociétal fondé sur le matérialisme et l’affirmation de soi, la richesse marque,
appuie la différence entre les êtres, et cela peut être le point de départ
d’une prise de conscience. Certes, le phénomène est rare, mais s’il s’amorce,
la distinction de statut social et ses conséquences sur le mode d’existence des
personnes peut ouvrir l’esprit, le sensibiliser à l’essentiel.
Il ne s’agit pas ici d’un plaidoyer à
l’encontre ou en faveur d’un modèle social particulier, dont le seul point
commun serait la terminaison en « isme », ni d’un ressentiment à
l’égard des possessions et des possesseurs, mais d’une tentative de situer ce
modèle social dans la perspective de la conscience.
En soi, la richesse et les possessions ne
constituent pas des obstacles définitifs au changement de niveau de conscience,
ce qui l’est résulte de l’attachement qu’ils provoquent, de ce lien psychique
puissant qui retient la conscience au modèle sociétal axé sur la réussite
matérielle.
L’art de donner, comme tout art, se
cultive. La façon de le faire, les motivations qui l’animent sont
multiples : bénéficier de réductions fiscales, exhiber sa générosité,
soulager sa conscience, satisfaire à des exigences économiques, morales,
religieuses, spirituelles...Cette diversité apparente participe cependant d’une
même pulsion, guidée par le principe d’action et de réaction.
Il est possible de donner parce que les
différences perçues entre les êtres, soutenues par l’éducation, le modèle
sociétal retenu, les circonstances, s’estompent. Alors, le don, qu’il s’agisse
d’argent, de service, de considération, d’écoute, ou de temps, manifeste l’expression
immédiate de la compassion, née de l’attention portée aux êtres.
Ce changement de décor, c’est délaisser les « vêtements » habituels du mental, de ne plus considérer les expériences de conscience, mais la conscience elle-même, témoin et garante de l’unité entre les êtres.
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