Texte lu
« Saintes colères », deux termes qui s’opposent, voire s’excluent. Pourtant, rapprochés ainsi, ils semblent bien donner du sens et justifier un comportement nécessaire en certaines circonstances.
Comment cela ? Lorsque la personne
qui s’y abandonne incarne notoirement l’autorité morale et le comportement
exemplaire. Alors les conditions sont réunies pour bousculer les consciences,
les sortir de leur léthargie, et agir comme il convient.
Considérons ce changement d’attitude comme
effectivement indispensable, ce qui valide a posteriori la « sainte
colère », mais plaçons l’interrogation sur un autre plan : qu’en
est-il de ce sursaut sur le long terme, et de sa capacité à susciter un changement
de niveau de conscience ?
Première réflexion : l’effet dans la
durée.
Changeons radicalement de phénomène
déclencheur, mais non de détermination dans les actes. Pour cela, il suffit de
se plonger dans l’origine des révolutions sociales, une constante dans
l’histoire humaine. Ici, la sainte colère devient laïque, et son ferment :
la misère, la souffrance et le désespoir. Alors une violence légitime
s’exprime, renversant le pouvoir oppresseur et les institutions corrompues,
causes des tourments de la population.
Qu’advient-il ensuite lorsque la victoire
populaire, ayant abouti aux réformes sociales et salutaires, subit les assauts
du temps ?
Après l'action, la réaction. Cette
dernière peut avoir deux provenances, la fréquentation du pouvoir, ou le désir
de revanche.
Les nouveaux dirigeants, animés de bonnes
intentions conformes aux aspirations d'une population qui les a menés aux
fonctions décisionnelles, peuvent vaciller dans leurs convictions, installer
des institutions où l'expression directe des citoyens se dilue dans une
représentativité plus à l'écoute d'intérêts particuliers, notamment
économiques.
Ceux qui furent écartés, s'ils ne l'ont
pas été de façon définitive, peuvent
s'organiser et tenter une reprise des instances décisionnelles.
Deuxième réflexion : les raisons d'un
échec.
Comment expliquer de tels revirements,
alors que les bases semblaient immuables, enracinées dans la justice et
l'égalité, fortifiées par une humanité solidaire ?
D'abord les faits, les raisons de la
colère, les contraintes exercées jusqu'à saturation, ce sont les facteurs
déclencheurs. Puis le processus mental à l'origine de l'indignation, des
révoltes engendrées : comme cela semble bien établi désormais, il emprunte la
voie de la conscience ordinaire, la réflexion, mais surtout l'émotionnel,
capable d'accaparer, d'unir et de maintenir une population tendue vers un seul
but.
Mais une fois que la situation se
clarifie, que la sainte colère s'apaise ou que les débordements laïques font
place aux réformes souhaitées, le niveau de conscience globale n'a pas changé,
expliquant à lui seul la fragilité des (r)évoltions dans le temps.
Tant que le changement de niveau de conscience, véritable artisan d'une transformation en profondeur des modes d'existence, n'aura pas touché suffisamment d'êtres, les intérêts personnels, stimulés par la conscience ordinaire, prévaudront sur l'intérêt général, l'affirmation de soi sur l'empathie.
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