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29/03/2012

62. Les saintes colères

     Texte lu



     « Saintes colères », deux termes qui s’opposent, voire s’excluent. Pourtant, rapprochés ainsi, ils semblent bien donner du sens et justifier un comportement nécessaire en certaines circonstances.
     Comment cela ? Lorsque la personne qui s’y abandonne incarne notoirement l’autorité morale et le comportement exemplaire. Alors les conditions sont réunies pour bousculer les consciences, les sortir de leur léthargie, et agir comme il convient.
     Considérons ce changement d’attitude comme effectivement indispensable, ce qui valide a posteriori la « sainte colère », mais plaçons l’interrogation sur un autre plan : qu’en est-il de ce sursaut sur le long terme, et de sa capacité à susciter un changement de niveau de conscience ?

     Première réflexion : l’effet dans la durée.
     Changeons radicalement de phénomène déclencheur, mais non de détermination dans les actes. Pour cela, il suffit de se plonger dans l’origine des révolutions sociales, une constante dans l’histoire humaine. Ici, la sainte colère devient laïque, et son ferment : la misère, la souffrance et le désespoir. Alors une violence légitime s’exprime, renversant le pouvoir oppresseur et les institutions corrompues, causes des tourments de la population.
     Qu’advient-il ensuite lorsque la victoire populaire, ayant abouti aux réformes sociales et salutaires, subit les assauts du temps ?
     Après l'action, la réaction. Cette dernière peut avoir deux provenances, la fréquentation du pouvoir, ou le désir de revanche.
     Les nouveaux dirigeants, animés de bonnes intentions conformes aux aspirations d'une population qui les a menés aux fonctions décisionnelles, peuvent vaciller dans leurs convictions, installer des institutions où l'expression directe des citoyens se dilue dans une représentativité plus à l'écoute d'intérêts particuliers, notamment économiques.
     Ceux qui furent écartés, s'ils ne l'ont pas été de façon définitive,  peuvent s'organiser et tenter une reprise des instances décisionnelles.
               
     Deuxième réflexion : les raisons d'un échec.
     Comment expliquer de tels revirements, alors que les bases semblaient immuables, enracinées dans la justice et l'égalité, fortifiées par une humanité solidaire ?
     D'abord les faits, les raisons de la colère, les contraintes exercées jusqu'à saturation, ce sont les facteurs déclencheurs. Puis le processus mental à l'origine de l'indignation, des révoltes engendrées : comme cela semble bien établi désormais, il emprunte la voie de la conscience ordinaire, la réflexion, mais surtout l'émotionnel, capable d'accaparer, d'unir et de maintenir une population tendue vers un seul but.
     Mais une fois que la situation se clarifie, que la sainte colère s'apaise ou que les débordements laïques font place aux réformes souhaitées, le niveau de conscience globale n'a pas changé, expliquant à lui seul la fragilité des (r)évoltions dans le temps.

          Tant que le changement de niveau de conscience, véritable artisan d'une transformation en profondeur des modes d'existence, n'aura pas touché suffisamment d'êtres, les intérêts personnels, stimulés par la conscience ordinaire, prévaudront sur l'intérêt général, l'affirmation de soi sur l'empathie.

     La sainte colère n'est qu'un déguisement de plus que revêt la conscience émotionnelle.

     

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