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La croyance, c’est cette capacité étonnante du cerveau d’offrir à son hôte, en l’absence éventuelle de réflexions préalables, et surtout d’éléments probants, la possibilité de fonder une certitude, seul contre l’avis de tous, quels que soient les arguments opposés.
Ce processus mental se suffit donc à
lui-même pour accaparer un esprit, mais
s’il trouve des ramifications à travers d’autres consciences, il se renforce
considérablement, déployant une vigueur insoupçonnée.
Aussi, ce phénomène étonnant fera-t-il
l’objet de deux approches, l’une abordant la croyance en elle-même, l’autre
ayant trait à son partage.
« On croit tous en quelque chose », ou « on a besoin de
croire ». Ces remarques banales nous semblent d’évidence. Est-ce une
certitude ?
Les statistiques de l’ONU révèlent que
près de 85 % de la population mondiale se réfère à une croyance religieuse ou
spirituelle, il y aurait donc 15 % d’athées. Mais cela signifie-t-il que ces
personnes n’éprouvent pas le besoin de croire en quelque chose ?
Plutôt que d’apporter une réponse dont la
portée et la valeur
seraient limitées, il semble plus
intéressant de s’attarder sur la notion de croyance en elle-même.
Tout d’abord, qu’est-ce que la
croyance ? Le fait de croire à, ou en quelque chose, le tenir pour vrai
sans preuves ou vérifications. On peut donc opposer la croyance à la certitude.
Voyons sur un exemple bien connu des
élèves en géométrie : dans un espace plan sans courbure (on exclut donc la
sphère), la somme des angles d’un triangle vaut 180°. A partir de cette
information, on décide de dessiner quelques triangles, dont on aura mesuré les
angles pour en faire la somme : le résultat correspond bien à ce qui était
annoncé, du moins, selon la précision des figures.
On peut « croire » qu’il en sera
de même pour tous les triangles, ou manifester un doute. Dans le second cas,
une démonstration rigoureuse de ce théorème s’impose. Dès lors, nul besoin de
croire que cette propriété concerne tous les triangles, l’assurance s’est
installée définitivement, y recourir ne nécessite qu’un minimum
d’énergie : retrouver l’information, désormais enregistrée et classée dans
la mémoire de l’intellect.
Qu’en est-il de la croyance ? Dans
les milieux où elle s’affirme (religions et spiritualités), elle ambitionne de
rivaliser avec la certitude, voire de la surpasser avec la foi, d’où le
paradoxe évoqué.
En effet, l’évidence ne se laisse pas
apprivoiser facilement, elle repose sur des règles rigoureuses (démonstrations
scientifiques) patiemment élaborées, alors que la foi suppose tout le
contraire : moins l’on cherche à savoir, plus l’on s’abandonne aux vérités
révélées, plus l’acte de foi est intense.
Alors, de la croyance naît la
conviction. La conviction, c’est l’énergie nécessaire qu’il convient de
déployer en permanence pour transformer une croyance en certitude ; de
métamorphoser un château de cartes en forteresse imprenable : mais pour le
regard extérieur, l’édifice peut s’effondrer à tout instant.
Sur quoi repose la croyance ? Une
information, une étude, un sentiment, un besoin. Un seul de ces éléments suffit
pour générer une croyance, il s’agit de l’amorce, pérennisée par un long
processus d’entretien.
Donc la croyance naît, soit d’une
réflexion (étude), soit d’une émotion (sentiment). Cela permet de répondre à la
question initiale, non posée mais déduite des remarques introductives :
« d’où provient ce besoin de croire en quelque chose ? »
Pour cela, au moins deux ingrédients
s’avèrent nécessaires : la naissance du besoin, et la capacité de
l’exprimer. Cette aptitude existe et porte un nom : la conscience
ordinaire, surtout dans son aspect émotionnel ; quant au
« besoin », on peut y mettre le pluriel sans hésiter, il suffit pour
cela d’observer le spectacle permanent de la société : inégalités,
frustrations, violences...
Reste le dernier point : peut-on
s’abstenir de croyances, sans pour cela être pétri de certitudes ? Oui,
lorsque la conscience attentive se manifeste.
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