Texte lu : Partie I
Texte lu : Partie II
Voici un texte écrit pour une amie qui anime des réunions dans un centre dédié à la philosophie spirite.
Il présente
« la réforme intime », un thème fondamental dans cette approche de l’existence,
abordée sous l’angle de l’attention.
Il constitue en
outre un résumé des idées exposées dans « Un dialogue entre amis »,
et c’est à ce titre qu’il trouve sa place ici.
PARTIE I :
L’ABORDER NATURELLEMENT
A.
Introduction
Toutes les
religions, les spiritualités et les philosophies qui proposent une explication
de la destinée humaine au-delà de son existence terrestre, proposent des voies
pour se réformer.
Si des
similitudes existent bien naturellement entre ces différentes voies, elles
diffèrent selon la vision exprimée et les cultures concernées.
Il est
cependant possible de retenir l’essentiel en considérant que la réforme intime
consiste à remplacer les défauts et les faiblesses du caractère par des vertus.
Sur cette base,
il est proposé un système qui s’appuie sur les principes suivants :
- Compréhension de la
conscience ;
- Méthode accessible reposant
sur des fonctions naturelles de l’être humain ;
- Permettre à toute personne de
changer sa nature, quelle que soit ses convictions.
B.
Le cerveau et la conscience
1.
Généralités
Avant d’aborder
la conscience, et indépendamment du fait qu’elle soit locale (elle apparaît et
disparaît avec le cerveau), ou non locale (indépendante du cerveau), un constat
s’impose : elle subit son influence. Il nous faut donc considérer le
cerveau et son évolution afin de mieux comprendre les différents états de
conscience que nous pouvons éprouver.
Le cerveau
humain est l’aboutissement de trois développements correspondant à des étapes
essentielles de l’évolution du vivant :
- le cerveau reptilien (système
cérébral des poissons, amphibiens, reptiles et oiseaux), datant de 400
millions d’années, régulant les fonctions vitales de l’organisme
(respiration, rythme cardiaque, tension artérielle), et assurant les
besoins élémentaires (alimentation, sommeil, reproduction...)
- le cerveau mammalien, apparu
avec les premiers mammifères il y a 65 millions d’années, apporte deux
éléments fondamentaux dans l’évolution : les émotions et la capacité
d’apprendre de ses erreurs ;
- le néocortex, « dernier
né de la trilogie » il y a environ 3,5 millions d’années, c’est le
siège notamment du langage, de l’intelligence et de l’abstraction
On pourrait
donc discerner plusieurs formes de conscience, assimilables aux fonctions du
cerveau correspondantes :
§
la conscience instinctive, reliée au cerveau
reptilien ;
§
la conscience émotionnelle, dépendante du cerveau
mammalien ;
§
les consciences : intellectuelle, morale et
intuitive, relevant du néocortex.
La conscience
globale exprime une interaction de l’ensemble des réactions cérébrales qui
n’ont pas une force identique, respectant le plus souvent la hiérarchie
évolutive : instinct (ce qui est vital), émotion, intellect.
On peut exclure
les fonctions vitales sur lesquelles la conscience n’a pas, ou très peu de
prise. Il reste donc les émotions et la réflexion. On s’attardera avec intérêt
aux manifestations émotionnelles, estimant par expérience leur capacité à
s’imposer et influencer l’état de conscience général de l’humanité.
2.
La conscience émotionnelle
2.1. Origine et fonction initiale
Nous avons vu
que la conscience émotionnelle apparaît avec le cerveau mammalien, qu’elle est
donc bien antérieure à l’intelligence et la réflexion. Sa fonction originelle
était de créer un lien privilégié entre la femelle et sa progéniture. Cette
affection s’exprime naturellement, spontanément, sans qu’il soit nécessaire
d’acquérir des connaissances.
Les premiers
sentiments du bébé s’expriment par le biais de la conscience émotionnelle. Le
sentiment précède de loin la connaissance,
car cette fonction d’attachement va permettre l’éducation et le
développement futur du nourrisson.
2.2. Evolution
Si l’on
considère que la conscience émotionnelle s’est construite sur la base de deux
émotions essentielles : la joie et la tristesse, les racines de
« l’arbre émotion » en quelque sorte, celui-ci s’est bien développé
depuis, multipliant les branches et les feuilles au gré de l’enrichissement des
expériences, et surtout des choix de société.
2.3. Nature
La conscience
émotionnelle est dualiste, c’est-à-dire qu’elle contient en elle toutes les
émotions, similaires ou opposées.
On peut
concevoir cette conscience comme un réservoir immense où toutes les émotions
sont disponibles et non séparées.
Aussi, en
stimulant régulièrement une émotion quelconque (même positive), on entretient
cette conscience, lui donnant suffisamment d’énergie pour intervenir avec
vigueur lorsqu’il s’agira d’émotions négatives.
2.4. Pour résumer
§
Le cerveau a permis la manifestation d’une conscience
particulière qui est le réservoir de toutes les émotions ;
§
il n’y a pas de cloisons, pas de séparations entres les
émotions positives et négatives ;
§
rechercher une émotion particulière revient à stimuler
l’ensemble du processus émotionnel ;
§
la conscience émotionnelle est très puissante : son
accès est immédiat, sans connaissances préalables, elle s’impose à la réflexion
et l’intellect.
C.
Des moyens pour changer
Respectant les
règles exprimées en introduction, il est proposé ici deux méthodes :
simples, naturelles, respectant les convictions de chacun, et susceptibles de
donner les moyens aux personnes qui les suivraient de se réformer psychologiquement,
de changer son niveau de conscience.
Il s’agit de
l’attention et de la respiration consciente que nous allons aborder.
1.
L’attention
1.1. Présentation
Pour bien
comprendre ce qu’est l’attention, il faut préciser...ce qu’elle n’est
pas ! C’est à priori paradoxal, mais quelques exemples vont nous permettre
de saisir le sens de cette affirmation.
1.2. Ce que n’est pas l’attention
§
La concentration ;
§
La méditation.
1.2.1. La
concentration
La
concentration consiste à fixer ses pensées, sur un objet, une idée, un concept
; bref, sur tout ce que le mental peut appréhender.
On peut se
représenter deux récipients : le premier contient de l’huile qui verse
goutte à goutte dans le second. Chaque goutte montre le mental concentré, tandis
que l’espace séparant chacune d’elles révèle la distraction et l’effort
nécessaire pour se recentrer.
1.2.2. La
méditation
On conserve les
deux récipients, mais ici, l’huile s’écoule de l’un à l’autre en un filet
ininterrompu. La méditation peut être définie comme une concentration
constante, un lien psychique permanent entre le méditant et l’objet de sa
méditation.
1.3. Comprendre l’attention
1.3.1. La
théorie
Ayant assimilé
ce qu’elle n’est pas, il convient maintenant d’approcher l’attention pas à pas
pour bien la distinguer des notions précédentes, car leurs effets diffèrent sur
le mental, et ce que nous souhaitons, c’est parvenir à être attentif pour
bénéficier des effets de cette attitude particulière.
La concentration
et la méditation se rejoignent sur un point : l’effort mental exigé pour
conserver cet état en permanence.
Par ailleurs,
se concentrer, et surtout méditer, suppose des préalables : choix du
moment, installation dans une posture particulière. Ces contraintes que l’on
s’impose accentuent la perception de l’échec que l’on ressent lorsque l’on ne
parvient pas à maintenir ces états mentaux souhaités.
Si la
concentration et la méditation peuvent être perçues comme un rayon (un rayon
laser pour fixer les idées) reliant la personne à l’objet de sa concentration
ou de sa méditation, l’attention peut être visualisée comme une sphère dont
chaque rayon recueillerait une partie des informations captées par nos
sens : vue, ouïe, odorat...
1.3.2. La
pratique
Le téléphone
sonne, trois cas peuvent être envisagé :
-
moyennement absorbé par l’état de concentration, on
sursaute et décroche ;
-
complètement absorbé, on n’entend pas la sonnerie ;
-
totalement attentif à ce qui se présente dans l’environnement
sensoriel, on perçoit le signal (un parmi d’autres), et décroche l’appareil
sans ressenti particulier…et avec bienveillance ! Quelle que soit la
personne qui appelle : c’est l’une des propriétés de l’attention, dissiper
les émotions, on verra comment par la suite.
Etre attentif,
c’est développer une sorte « d’éventail sensoriel » dont chaque brin
apporte son type d’information que l’on capte naturellement par l’esprit de
simple observation, et parmi l’ensemble des informations qui affluent au
mental, distinguer immédiatement celles qui sont d’importances pour agir en
conséquence, et de façon optimum.
1.4. Les effets de l’attention
1.4.1. La base
Elle offre une
vision aiguë des événements, en facilite la compréhension, et surtout ne porte
pas de jugement ! L’objectivité de l’information est garantie par le
retrait de la conscience émotionnelle.
1.4.2. L’appel
mémoire
L’appel mémoire
se produit lorsque nous ne sommes plus attentif, alors les informations perçues
peuvent s’unir librement à d’autres éléments contenus dans la mémoire. Ces
associations, notamment lorsqu’elles concernent des matériaux émotionnels
puissants, peuvent entraîner des changements d’humeur et de comportements
soudains et vigoureux. Cela se produit quand
l’identification à l’information stimulée s’avère intolérable, du moins
est perçue comme telle.
Prenons les
insultes comme exemple, et suivons le processus mental impliqué : la
pensée « insulte » fait intrusion dans la mémoire, une autre crée
l’état d’identification, et la dernière enclenche la réaction émotionnelle
appropriée. Stimulé à l’adrénaline par l’événement conflictuel, l’esprit est
vif, prompt à répondre sur le même mode.
L’attention
analyse lucidement la situation, mais n’implique pas l’ego dans cette
observation.
Si l’on ne
comprenait pas le sens des insultes, alors la réaction émotionnelle ne se
produirait pas. Ici, l’attention donne une compréhension pleine et entière,
mais empêche l’appel mémoire qui provoquera le choc émotionnel.
L’absence de
réaction ne résulte pas de la volonté, d’une lutte interne entre :
« j’ai bien compris le sens des injures...cependant je me contiens pour ne
pas réagir », mais de l’absence de connexion entre les insultes et les
pensées émotionnelles associées.
Une précision
nécessaire : le fait de ne pas réagir aux insultes peut être considéré
comme de la faiblesse ou de la dévalorisation de soi. Cela fait partie du
jugement social, des valeurs et considérations de la société dans laquelle on
vit, la réforme intime comprend ce phénomène circonstanciel mais doit le
dépasser, agir au-delà.
1.4.3. Petit
exercice
-
S’installer confortablement, et lorsqu’on le décide,
observer ce qui se produit dans le mental.
-
Le plus souvent on assiste à « la ronde »
incessante des pensées.
-
Maintenant, laisser venir à soi les informations que
perçoivent les sens (vue, ouïe…), en
prendre simplement conscience, sans tension, mais sans relâchement non plus,
bref, en étant attentif !
-
Analysée ensuite, cette expérience montre que l’attention
chasse les pensées parasites.
1.4.4.
Conséquences
L’attention
crée un espace entre deux pensées. Le flux de pensées n’est pas continu,
simplement, une production abondante peut le laisser croire, comme l’on est
persuadé que l’eau qui coule du robinet est un flot incessant. Mais si notre
vision avait la capacité d’un microscope électronique, nous verrions que les
molécules d’eau (la plus petite partie de ce liquide qui en conserve les
propriétés) qui se succèdent sont séparées.
Quelle est la
nature de cet espace ? Celui où s’exprime notre être véritable qui ne
s’identifie plus aux limites et aux restrictions du mental ordinaire.
Et pour les
vieilles pensées importunes, souvent liées à un événement douloureux du passé
dont elles emplissent la conscience, que faire ?
Que les pensées
parasites soient récentes ou anciennes, le principe reste identique :
revenir à l’attention chaque fois qu’elle se manifestent. Avec le temps et la
pratique, il devient plus facile d’acquérir cet état d’attention, et les effets
sont plus rapides.
Il n'y a pas de
miracle : chaque fois que les tourments affluent à la conscience, il faut
donner l’impulsion, « le coup de pied » au fond de l’eau qui nous
fait remonter à la surface !
On peut
considérer que la personne attentive se maintient en équilibre, évitant de
verser d’un côté ou de l’autre dans des « abîmes émotionnels », comme
un funambule qui doit constamment veiller à se maintenir sur son fil. Avec le
temps, la vigilance transforme le fil en voie élargie, et la progression s’en
trouve de plus en plus assurée. Si les perturbations ne disparaissent jamais
complètement, leurs effets s’estompent rapidement, et l’on y échappe plus
facilement.
Si l’attention
offre une réponse admirable aux situations difficiles et conflictuelles, elle
ne se limite pas à celles-ci, c’est aussi et surtout un merveilleux moyen de
profiter pleinement de ces instants de bonheur que nous offre la vie :
jouir de l’instant présent, apprécier le spectacle de la nature ou celui d’une
œuvre artistique, et spécialement, retrouver la véritable relation entre les
êtres, celle de l’écoute simple qui abolit tous les clivages et délivre de
toutes les peurs : peur de la réaction, peur de décevoir, peur de l’échec.
2.
La respiration consciente
2.1. Pourquoi la respiration consciente ?
Dans les
moments émotionnels difficiles l’attention ne suffit pas à se recentrer, et
plus encore à dissiper les pensées parasites.
Que
faire ? Abandonner ? Non, mais trouver un support simple et naturel à
l’attention, et quoi de plus approprié que la respiration consciente.
En effet, la
respiration est une fonction inconsciente et spontanée du corps. Respirer
consciemment, c’est simplement effectuer de manière consciente les mouvements
respiratoires : inspiration, expiration. Si l’on cesse cela, on se trouve
dans une phase de rétention de la respiration.
2.2. La pratique
2.2.1. Prise de
conscience
2.2.1.1.
Inspiration
-
Phase 1 : inspirer consciemment par le nez,
de façon fluide et constante, jusqu’à cessation naturelle du mouvement par
insuffisance de la force d’inspiration ;
-
Phase 2 : continuer, en forçant
l’inspiration, toujours par le nez, jusqu’à impossibilité d’aller au
delà ;
-
Phase 3 : poursuivre le mouvement, cette
fois par la bouche, toujours jusqu’à impossibilité d’aller plus loin.
2.2.1.2.
Expiration
-
Phase 1 : expirer consciemment par le nez,
de façon fluide et constante, jusqu’à cessation naturelle du mouvement par
insuffisance de la force d’expiration ;
-
Phase 2 : continuer, en forçant
l’expiration, toujours par le nez, jusqu’à impossibilité d’aller au delà ;
-
Phase 3 : poursuivre le mouvement, cette
fois par la bouche, toujours jusqu’à impossibilité d’aller plus loin.
Il s’agissait
d’une respiration consciente et complète, menée jusqu’aux limites permises par
l’appareil respiratoire.
On retiendra
ici, à l’inspiration comme à l’expiration, la phase 1.
2.2.2. Aborder
la respiration consciente
Voici donc le
détail de la respiration consciente :
-
effectuer chaque mouvement - inspiration, expiration -
selon la phase 1 ;
-
veiller à la constance du mouvement : fluidité et
force.
-
Trois éléments nous renseignent sur l’efficacité de cet
exercice :
n la respiration est
silencieuse ;
n le passage d’un
mouvement à l’autre - inspiration, expiration - se fait naturellement, et non
provoqué par un besoin physiologique ;
n le plus important : on peut maintenir cette
respiration consciente aussi longtemps qu’on le souhaite, et sans fatigue.
2.3. Les effets
-
Relaxation physique : les mouvements doux et
harmonieusement rythmés du diaphragme - l’un des muscles les plus puissants du
corps - imprimeront un massage bienfaisant et
salutaire aux organes internes de l’abdomen et de la cage thoracique.
-
Optimisation du rythme respiratoire : il s’installera
naturellement si l’on respecte la fluidité et la constance des mouvements.
-
Rythme cardiaque : synchronisé d’une certaine façon à
la respiration, il en retirera tous les bienfaits.
-
Cerveau : relié aux battements du coeur, il produira
des ondes cérébrales de fréquences plus lentes, réparatrices ; si
l’exercice est répété de manière régulière et prolongée, cela pourra générer un
équilibre des deux hémisphères cérébraux. Ceci est dû au fait que la
respiration consciente induit les mêmes effets que la méditation, notamment la
stimulation du cerveau droit, bien souvent délaissé dans nos activités
quotidiennes.
-
Mental : raréfaction, voire disparition du mouvement
incessant des pensées, surtout celles que l’on peut qualifier de
« parasites. »
-
Attention : c’est une voie royale pour se préparer à
l’attention lorsque celle-ci ne s’installe pas spontanément, uniquement par
l’observation naturelle de ce qui se présente à la conscience. On peut donc
commencer, et on le fera avec profit, par être simplement attentif à sa
respiration, que l’on souhaite consciente. Puis, progressivement, lorsque cette
pratique régulière aura eut raison de l’agitation mentale, il conviendra
d’étendre son attention aux autres perceptions sensorielles.
2.4. Conclusion étonnante sur la respiration consciente
Dans les cas
difficiles, pas nécessairement pathologiques, mais difficiles, lorsque la
respiration consciente est impuissante à remettre les choses, c’est-à-dire les
états de conscience, dans l’ordre. Que
faire ?
Si l’on ne
parvient pas à rester suffisamment attentif pour se livrer à l’exercice de la
respiration consciente, car trop sous l’emprise des émotions, on se passera avec
profit de l’eau fraîche sur le visage, voire, prendre une douche à température
confortable, jusqu’à élimination des tensions émotionnelles, du moins, jusqu’à
ce qu’elles soient suffisamment dissipées pour être enclin à pratiquer la
respiration consciente.
PARTIE II :
CONSEQUENCE POSSIBLE - AU QUOTIDIEN -
ALLER AU-DELA
A.
La réaction du cerveau
1.
Le constat
Lorsque l’on
débute dans la pratique de l’attention, et surtout si notre conscience
émotionnelle est relativement « chargée » de pensées parasites qui
attendent, regroupées derrière la
« porte », notre perception, aiguisée par l’attention, en prend
soudainement conscience. En effet, au début, il n’est pas facile de gérer
l’ensemble des impressions émanant de l’extérieur - le monde qui nous entoure -
et de l’intérieur - notre conscience -, notamment lorsque nous initions un
travail personnel pour s’affranchir des problèmes émotionnels.
La pratique de
la respiration consciente remplace souvent avantageusement le fait d’être
simplement attentif pour dissiper les pensées parasites, en effet le support
naturel de la respiration, disponible à chaque instant, mobilisant suffisamment
les ressources mentales sans toutefois les accaparer, est une alternative
idéale aux cibles de l’attention, trop mouvantes, pas assez délimitées.
Mais parfois,
une surprise de taille attend le nouveau postulant à cette technique
prometteuse qu’est la respiration consciente : un « tsunami »
émotionnel. Pourquoi ?
2.
Les deux réponses
2.1. L’insatisfaction
Quand nous
abordons de nouvelles connaissances, et surtout lorsqu’il s’agit d’une forme de
défi qui doit nous mener d’un point bas - celui où nous sommes actuellement -,
vers un point haut - celui que nous désirons atteindre -, nous souhaitons
vivement constater les progrès réalisés, mais plus encore voire s’établir
« l’effet cliquet » : ce qui empêche le retour en arrière
lorsque l’on estime avoir franchi une certaine étape dans un apprentissage.
Or, ce qui
s’observe dans certaines pratiques, l’augmentation de la masse musculaire après
des séances de « body building », par exemple, n’apparaît pas
clairement dans un travail mental, ou du moins est susceptible de régression
violente car : la conscience n’est pas un muscle, et les allers-retours
entre la mémoire et les émotions peuvent être fulgurants, se manifester à tous
moments...d’inattention.
Cette
perspective provoque des périodes de mécontentement où l’on est peu enclin à
pratiquer. Or, c’est l’une des clés du succès : l’effort et la persévérance.
À chaque fois
que l’on commence à ressentir les symptômes d’une décharge émotionnelle, on
pratique, juste quelques mouvements respiratoires le temps de faire retomber
les émotions à un niveau acceptable. La volonté est à la base du changement de niveau
de conscience.
Mais ce n’est
pas tout, il faut bien comprendre comment fonctionne le cerveau.
2.2. Le cerveau entre à nouveau en scène
Une de ses
fonctions est de faciliter l’existence d’une personne une fois que des
comportements et des habitudes de vie ont été mémorisés. Il ne faut pas oublier
que près de 90 % de nos actes quotidiens sont gérés de manière inconsciente par
le cerveau ! Donc, lorsqu’il a
repéré la conscience dominante, qui
est la conscience émotionnelle dans le cas qui nous occupe, il va tout
faire pour l’activer quand il se sera rendu compte que l’on essaye de la
court-circuiter par l’attention ou des exercices réguliers de respiration
consciente.
C’est ce que
l’on pourrait appeler la « force d’inertie cérébrale ». Pendant cette
phase, dont l’on ne connaît pas la durée, il faut être extrêmement vigilant, ne
pas céder un pouce de terrain à la conscience émotionnelle, agir presque
automatiquement : signal émotionnel, respiration consciente ;
signal émotionnel, respiration consciente... Et un jour, plutôt un beau
jour : le cerveau aura épuisé sa force d’inertie et deviendra un allié il
ne dépensera plus une partie de son énergie à stimuler la conscience
émotionnelle.
Mais il
convient de demeurer vigilant.
Lorsque l’on
s’engage dans un travail sur la conscience par l’attention ou la respiration
consciente, des signes nous indiquent que quelque chose change dans notre
perception des événements, et plus généralement notre manière d’être. C’est de
cette façon que l’on s’aperçoit que le cerveau intègre notre volonté de
changement. Il semble délaisser quelque peu la conscience émotionnelle qui, il
y a encore peu, était reconnue comme la conscience de base, celle qui filtrait
notre perception du monde. On pourrait alors être tenté de délaisser la
respiration consciente, voire l’attention seule si l’on a franchi la première
étape. Ce serait une erreur fondamentale ! Il faut garder à l’esprit que
la conscience émotionnelle est, et sera toujours présente comme une émanation
de la partie la plus puissante du cerveau, après l’aire
« reptilienne » qui assure les instincts vitaux !
Les pensées
parasites, messagères des émotions indésirables, peuvent se manifester à tous
moments...et reprendre de la vigueur si l’on abandonne cette vigilance
salutaire. N’oublions pas que notre société exalte les émotions ! Il ne
faut donc pas « baisser les bras », mais profiter de l’aide du
cerveau, qui désormais facilitera le recours à l’attention et ses incomparables
bienfaits !
B.
Quelques applications quotidiennes
1.
D’abord comprendre
1.1. Petit rappel
« Comprendre, accepter, ne pas juger »,
si l’on pouvait appliquer ce principe au quotidien, quels changements dans
notre existence...et celle des autres personnes qui nous accompagnent ou nous
croisent dans notre parcours !
On va donc
s’intéresser au premier de ces conseils, « comprendre », puisqu’il
semble capable d’entraîner les deux autres, notamment si l’on est attentif ou
que l’on pratique la respiration consciente lorsque cela s’avère nécessaire.
1.2. Le verre de bière
1.2.1. Curieux,
mais pourquoi pas
La bière est
une boisson bien connue dans le monde entier, il n’est donc pas besoin de la
présenter.
Par contre, on
peut s’étonner de sa présence dans le thème abordé. D’abord, pour rassurer les
esprits, il ne s’agit pas d’en faire la promotion, mais de comprendre
simplement la source essentielle de nos difficultés dans un verre de bière.
1.2.2.
Description du concept
Considérons
trois verres identiques comprenant chacun des quantités différentes de bière.
-
Le verre représente un fait objectif.
-
Le liquide ambré (la bière proprement dite), c’est la
description objective du fait en relation avec la situation personnelle du
sujet.
-
Enfin, la mousse, la réaction émotionnelle de la personne
à l’événement.
1.2.3. Exemple
Trois personnes
se font voler 1 000 euros. Elles possèdent respectivement sur leur compte
bancaire : 2 000, 10 000 et 100 000 euros.
-
Le verre constitue le fait objectif : le vol de
1 000 euros.
-
Le liquide ambré, l’impact objectif du vol sur leur patrimoine, soit : 50 %,
10 % et 1 % de leur patrimoine bancaire.
-
La quantité de mousse révèle la réaction émotionnelle de
chacune des personnes en apprenant le vol. Complètement subjective, rien
n’empêche que la personne disposant de 100 000 euros développe une
réaction émotionnelle plus vive que celle qui n’en détient que 2 000.
1.2.4. Etude du
cas présenté
Cet exemple
nous fournit trois enseignements :
-
L’existence nous confronte à des problèmes objectifs
auxquels nous devons faire face : c’est la base, le socle immuable.
-
On peut décrire fidèlement ces difficultés selon notre
situation personnelle : cela nous renseigne sur notre condition, qui peut
évoluer avec le temps, mais ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà.
-
La réaction émotionnelle nous définit complètement :
nous nous instruisons à son contact, elle nous enseigne en permanence, nous
avons la possibilité de la changer.
Disposant des
effets de l’attention et de la respiration consciente, il devient possible de
réduire, voire de supprimer cette réaction émotionnelle impulsive. Nous avons
le choix d’obtenir un verre de bière sans, ou avec très peu de mousse. À votre
santé !
2.
La pratique des vertus
2.1. Une constante
Toutes les
religions et les spiritualités accordent une place essentielle à la pratique
des vertus, et les adeptes de ces mouvements se doivent d’en cultiver l’usage.
Non seulement
la doctrine spirite ne fait pas exception à la règle, mais elle pose l’une
d’entre elle en principe absolu, déclarant : « Hors la charité, point de
salut ».
Voyons comment
aborder cette vertu.
2.2. Le chemin
Lorsque l’on
souhaite parvenir au sommet d’une
montagne, il existe souvent plusieurs voies pour y accéder. Elles diffèrent par
leur accès, alpinisme ou randonnée, et le degré de difficulté.
Considérant que
la « Charité » est susceptible de nous conduire au sommet de la
conscience, proposons également deux voies d’accès, deux approches possibles
pour atteindre la cime à laquelle nous aspirons.
2.3. Les voies conduisant à la charité
2.3.1. La voie
classique
Elle débute
souvent par une introspection : quels sont les traits dominants de mon
caractère ? Quelles vertus dois-je développer ?...
La réponse
conduit à s’imposer une certaine conduite au quotidien pour partir de : ce
que je suis, et aboutir à : ce que je voudrais être.
En cela, rien
de répréhensible, bien au contraire. Mais, poursuivant dans cette voie, on
rencontre souvent les difficultés suivantes :
-
Imposer une vertu demande beaucoup d’énergie (en
sommes-nous capables ?) et peut provoquer des conflits intérieurs. D’où
naissent ces conflits ?
-
La vision sociétale matérialiste conditionne nos
aspirations, elle privilégie l’affirmation de soi à la connaissance de soi, et
dans cette perspective la charité n’est pas un comportement que l’on adopte
spontanément.
-
Dès lors, la conscience ordinaire s’empare de ce sujet, et
cela peut se formuler ainsi :
§
La réflexion : pourquoi serai-je charitable ?
Dans la société qui est la notre, il est préférable de penser d’abord à
soi : « charité bien ordonnée commence par soi-même » affirme le
proverbe.
§
L’émotionnel : plutôt que de donner mon argent, je
vais le conserver pour m’acheter tel objet dont j’ai envi, qui me procurera une
certaine satisfaction, et puis, je n’ai pas de liens affectifs avec cette
personne, pourquoi l’aiderai-je ?
Est-ce
viable ? Y parviendrais-je ? Pas facile ! Faut-il abandonner ?
Avant cela, voyons ce que propose l’autre voie d’accès.
2.3.2. La voie
de l’attention
L’attention
étant une fonction naturelle de la conscience, on peut espérer qu’elle nous
conduise naturellement à la pratique des vertus, et donc de la charité.
-
La véritable attention met en retrait la conscience
ordinaire, celle qui nous présente un maximum de raisons pour nous convaincre
de renoncer aux élans vertueux.
-
Lorsque l’attention a fait « le vide
intellectuel », et surtout « émotionnel », notre véritable
nature apparaît, celle qui se dissimule derrière l’ego, qui manifeste
spontanément la compréhension et la compassion : alors, si une aide est
nécessaire et qu’on peut la prodiguer, nous le ferons.
-
Par ailleurs, cette posture évite les écueils et les
excès : la perception de notre situation personnelle, de nos capacités à
agir est aiguisée par l’attention : on donne ce que l’on peut donner, sans
mettre son économie en péril, au besoin en faisant des trouvailles pour mieux
gérer ses dépenses, permettant d’aider davantage, mais sans forcer la
destinée : pourquoi vouloir se démunir en aidant autrui, obligeant ainsi
la famille, les proches ou la société de
subvenir à nos besoins, si ce n’est sous l’impulsion de la conscience ordinaire
qui espère une compensation, un retour sur « investissement
spirituel » !
2.3.3.
Appréhender et réaliser la charité et les vertus
On réduit
souvent la charité, et l’action qui en découle, aux dons matériels. Cette
limitation correspond à notre mode de vie, et surtout à l’expression de la
société : matérialiste, reposant sur le commerce des biens et des
services.
Comme pour
l’iceberg, le don matériel n’est que la partie émergée de la charité, mais bien
souvent, il semble le plus difficile : c’est bien la conséquence des
valeurs que la société consacre réellement : le pouvoir et l’argent.
Il ne faut pas
oublier l’essentiel, ce que la charité signifie véritablement : l’amour de
son prochain. Dans cette perspective, la considération, l’écoute ou la simple
présence attentive surpassent largement le don matériel, car ils s’adressent à
la conscience, à l’âme.
Il existe une
expression spécifique à la transmission de la tradition dans le Zen :
« I shin den shin » (de mon âme à ton âme).
Lorsque la
charité, ou toute autre vertu, s’exprime naturellement à partir d’une
conscience attentive, cela se fait « I shin den shin » (de mon âme à ton
âme).
C.
Par delà les vertus
1.
Les chaînes de fer et les chaînes d’or
Un sage indien
disait : « Il faut utiliser les
chaînes d’or pour se débarrasser des chaînes de fer, puis abandonner les
chaînes d’or ».
Les chaînes de
fer, ce sont les défauts, les vices, et les chaînes d’or, les vertus.
On comprend
facilement le premier conseil, mais la seconde recommandation nous surprend.
Pourquoi renoncer aux vertus ? Pourquoi abandonner les chaînes d’or ?
Parce que ce sont également des chaînes, et bien plus solides que celles de
fer !
2.
S’émanciper du principe d’action et de réaction
2.1. Action et réaction
Le principe
d’action et de réaction est bien connu en physique, il s’agit de la troisième
loi de Newton énoncée ainsi : « tout
corps A exerçant une force sur un corps B subit une force d'intensité égale,
mais de sens opposé, exercée par le corps B. »
Inscrit dans
une démarche spirituelle, il signifie que toute action entraîne une réaction
dont l’on devra connaître les conséquences, notamment lorsque celle-ci est
déclanchée par une intention.
2.2. La conséquence des actes
Dans la doctrine
spirite, le principe de l’action et de la réaction commande celui de
réincarnation : on récolte ce que l’on a semé.
Si les
mauvaises actions commises volontairement (les chaînes de fer) produiront des
effets négatifs, à l’inverse, les bonnes actions (les chaînes d’or) élèveront
la conscience, alors, où est le problème ?
2.3. Le réservoir plein « d’eau sale » ou
« d’eau propre »
Lorsque l’on
évoque la notion de bien et de mal, on ne peut séparer ces façons d’agir des
sentiments qui les gouvernent : les émotions.
Et tout
naturellement, les émotions ramènent à la conscience émotionnelle, ce vaste
réservoir indifférencié (§ Partie I, B, 2.3).
Or, tout
réservoir rempli d’eau à ras bord risque de déborder si l’on en agite le
contenu, et que l’eau soit claire ou sale ne change rien.
Et l’on sait,
par expérience personnelle ou observation de nos semblables, que la conscience
émotionnelle réagit promptement à toute stimulation.
2.4. La solution que l’on pressentait
La pensée précède
les actes, ce que nous faisons n’est que la projection dans le monde matériel
de ce qui se manifeste dans la conscience, c’est donc là que le principe de
l’action et de la réaction prend naissance.
Son origine
peut donc dépendre de la dimension émotionnelle de la conscience, ce qu’il
conviendrait d’éviter.
Quelles que
soient la nature des émotions, positives ou négatives, nous avons vu qu’elles
peuvent être bien atténuées par l’attention ou la respiration consciente. C’est
ainsi qu’il est possible d’agir naturellement, à partir du centre de
l’attention, que celle-ci se manifeste spontanément ou émane de la respiration
consciente.
Lorsque cette
façon d’être s’installe, nous sommes délivrés des chaînes qui nous entravent,
qu’elles soient de fer ou d’or car l’attention incline à l’action juste tout en
émancipant du principe de l’action et de la réaction.
3.
Faut-il se priver de toutes nos émotions ?
3.1. La question essentielle
Faut-il se
priver de toutes nos émotions ? On a bien compris que la conscience
émotionnelle est dualiste, et que stimuler l’une quelconque de ses parties
implique de l’exciter toute entière, mais doit-on pour autant abandonner les
émotions positives, celles qui nous stimulent et que nous aimons partager avec
nos proches, qui définissent le caractère de nos relations ?
Evidemment non.
Mais alors, qu’advient-il de tout ce qui a été dit sur le sujet ? Il
convient simplement de redéfinir la notion d’émotion, de l’observer sous un
angle différent.
3.2. Un exemple pour comprendre
La scène se
passe au bord de la mer. On s’avance dans l’eau et l’on choisit de belles
vagues puissantes qui vont nous porter, et nous ramener sur la plage. La
satisfaction, le plaisir, la grâce du moment, c’est de vivre pleinement cette
expérience par l’attention qu’on y met. On
est alors bien calé dans la vague, et ne faisons qu’un avec elle !
Mais il arrive parfois que, n’y prenant garde, on se retrouve le nez et la
bouche plongés dans l’écume, et là, on suffoque, ce qui en soit est une
expérimentation forte, mais on perd tout ou partie des sensations apportées par
la vague !
La vague qui
nous porte, c’est l’expérience vécue pleinement avec attention, et la tête dans
l’écume, le trop plein émotionnel.
3.3. Réponse à la question
En fait, il n’y
a pas de réponse à la question, car lorsque l’on agit dans la conscience
ordinaire où prédomine l’émotionnel, c’est pratiquement impossible, et quand on
change de niveau de conscience par l’attention, le problème ne se pose plus...car
il n’existe plus !
Au quotidien,
lorsque l’attention se manifeste, qu’elle se substitue au plaisir émotionnel
que l’on désire, alors la véritable relation avec les êtres que l’on aime
s’installe réellement.
Certes, deux
difficultés s’interposent face à ce vécu unique : la mémoire émotionnelle
et les conditionnements de la société qui favorise les comportements
émotionnels. Mais ce ne sont que des excitations mentales qu’il convient de
traiter comme il se doit : attention ou respiration consciente.
CONCLUSION
La réforme
intime, une voie spirituelle pour se transformer ? C’est sa définition
même. Ce texte qui lui est consacré en a-t-il respecté le sens ?
Pour répondre à
cette question, évoquons l’esprit et la lettre.
A la lettre, certainement pas (de
l’expression ; « respecter à la lettre » : respecter
strictement), mais ce n’était pas le propos de cette présentation, et puis,
seule une personne compétente et engagée dans la doctrine spirite aurait pu le
faire.
Voyons
maintenant l’esprit.
Entreprendre
une réforme intime, même avec ardeur et détermination, suppose souvent un
combat avec soi-même, du moins, avec les parties de sa conscience que l’on
souhaite transformer, améliorer, bonifier. Cette lutte intérieure est vivement
encouragée dans les cercles spirituels, y voyant une occasion de s’épurer.
Considérant que
seul le changement importait, la méthode proposée ici repose sur trois
fondements :
§
La simplicité : tout s’appuie sur l’attention, soutenue
éventuellement par la respiration consciente.
§
L’inné : ce sont des fonctions naturelles de la
conscience et du corps.
§
L’universalité : cela s’adresse à chacun, « Celui qui croyait au ciel, celui qui
n’y croyait pas » pour reprendre les paroles du poète [Louis Aragon
(1897-1982) : La rose et le réséda].
La réforme
intime devient le changement de niveau de conscience qui s’installe
naturellement par la voie de l’attention.
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