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04/05/2012

26. Le piège du temps

     Texte lu



     Nous sommes habitués à composer avec le temps, notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer ou de changer une situation particulière.
     D’ailleurs, quoi de plus logique et de plus naturel, ne vivons-nous pas dans un monde spatio-temporel, donc indéfectiblement lié à l’espace et au temps : si l’espace nous laisse quelque répit, il est possible de demeurer immobile, le temps quant à lui s’écoule, quoi que nous fassions. C’est donc sur cette donnée spécifique que nous allons nous attarder quelques instants, que nous allons consacrer du temps...au temps !

     L’idée initiale consistait à relier la dimension temporelle au changement de comportement. Nul doute que cette relation existe.
     En effet, même s’il paraît difficile de mesurer précisément la durée nécessaire pour supprimer un trait de caractère et lui substituer celui que nous souhaitons, tant l’aspect subjectif et conjoncturel dominent ce sujet, nous savons par expérience qu’il faudra « un certain temps », et plus encore que cela ne se fera pas « tout seul » !

     Pour l’exemple, sélectionnons une habitude que l’on envisage d’éliminer de notre quotidien, notamment l’une de celles que la conscience émotionnelle affectionne tout particulièrement, laquelle ? Peu importe, nous avons le choix du roi ! Disons, la colère pour fixer les idées.
     Il y a d’abord la décision préalable : celle de ne plus se mettre en colère, considérons le fait comme acquis.
     Quelque temps après, les circonstances se montrent favorables à l’apparition de ce sentiment, avec son cortège habituel : stimulation émotionnelle, expression physique (le masque de la colère). Mais là, un phénomène nouveau apparaît, la raison parvient à se frayer un chemin dans l’espace mental tout acquis à la cause émotionnelle : et une petite voix rappelle la promesse de ne plus se mettre en colère. Alors une lutte terrible s’engage entre raison et passion.

     Laissons de côté les spéculations sur l’issue du combat pour s’intéresser à la relation entre le temps et le suivi de l’objectif.
     Tout repose en effet sur : l’appréciation de certains éléments, le temps nécessaire à leur appréciation, mais plus encore par le fait qu’ils s’inscrivent dans la durée et deviennent permanents.
     Or c’est à partir de cette étape cruciale que la personne peut voir le « piège du temps » se refermer sur elle. Comment cela, et qu’est-ce que cela signifie ?
     L’observation objective des faits peut rapidement sombrer dans la perception subjective, et là, c’est le drame !
     L’aspect objectif : le film du vécu des événements. Que se passe-t-il lorsque la colère apparaît ? Parvient-on à l’amoindrir, voire à le contenir ? Enfin, étape suprême, reste-t-on calme et serein dans une  situation conflictuelle caractéristique ?
     Le regard subjectif : la critique du film. Attention, c’est à partir de cette phase que le temps dresse son embuscade ! C’est difficile ! Il faut beaucoup de temps pour y arriver ! D’ailleurs, sera-t-il possible d’y parvenir un jour ?
     Le temps nous rappelle ici à son bon souvenir, exprimant avec force que tous nos actes s’inscrivent dans son horizon. Et il a raison !

     Est-il dès lors possible d’échapper à son attraction ? Et dans l’affirmative, qu’elles en seraient les conséquences ?
     Objectivement, toute action possède une durée qui lui est propre, si minime soit-elle, donc oui, elle dépend du temps.
     Subjectivement, il convient de considérer le sentiment que cette durée inspire (la « critique du film »), c’est lui qui nous relie au temps, mesure notre jugement, et surtout implique la conscience émotionnelle dans le processus initial (supprimer une habitude). Il s’agit donc bien d’une affinité subjective avec ce que le temps est supposé contenir.
     Comment se libérer de cette entrave ? Si l’on choisit l’attention seule, ou que l’on recourt à son support naturel, la respiration consciente, pour éloigner la colère, les quelques instants, si modestes soient-ils, où l’état d’attention se manifeste, empêchent ce rapport spécifique au temps.
     En effet, la conscience attentive met la conscience ordinaire (émotionnelle, intellectuelle) en retrait, dont le temps est son royaume. Peu importe la notion de durée, et surtout l’expression de la volonté pour maintenir et prolonger cette période qui voit se réaliser l’objectif désiré : l’essentiel consiste à manifester cette conscience attentive au moment opportun.
     Lorsque ces états particuliers de conscience portés par l’attention se manifestent, puis deviennent familiers, le temps relâche son emprise, il ne subsiste plus que l’observation des événements dictant la conduite à tenir.
     

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