Texte lu
Nous sommes habitués à composer avec le temps, notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer ou de changer une situation particulière.
D’ailleurs, quoi de plus logique et de
plus naturel, ne vivons-nous pas dans un monde spatio-temporel, donc
indéfectiblement lié à l’espace et au temps : si l’espace nous laisse
quelque répit, il est possible de demeurer immobile, le temps quant à lui
s’écoule, quoi que nous fassions. C’est donc sur cette donnée spécifique que
nous allons nous attarder quelques instants, que nous allons consacrer du
temps...au temps !
L’idée initiale consistait à relier la
dimension temporelle au changement de comportement. Nul doute que cette
relation existe.
En effet, même s’il paraît difficile de
mesurer précisément la durée nécessaire pour supprimer un trait de caractère et
lui substituer celui que nous souhaitons, tant l’aspect subjectif et
conjoncturel dominent ce sujet, nous savons par expérience qu’il faudra
« un certain temps », et plus encore que cela ne se fera pas
« tout seul » !
Pour l’exemple, sélectionnons une habitude
que l’on envisage d’éliminer de notre quotidien, notamment l’une de celles que
la conscience émotionnelle affectionne tout particulièrement, laquelle ?
Peu importe, nous avons le choix du roi ! Disons, la colère pour fixer les
idées.
Il y a d’abord la décision
préalable : celle de ne plus se mettre en colère, considérons le fait
comme acquis.
Quelque temps après, les circonstances se
montrent favorables à l’apparition de ce sentiment, avec son cortège
habituel : stimulation émotionnelle, expression physique (le masque de la
colère). Mais là, un phénomène nouveau apparaît, la raison parvient à se frayer
un chemin dans l’espace mental tout acquis à la cause émotionnelle : et
une petite voix rappelle la promesse de ne plus se mettre en colère. Alors une
lutte terrible s’engage entre raison et passion.
Laissons de côté les spéculations sur
l’issue du combat pour s’intéresser à la relation entre le temps et le suivi de
l’objectif.
Tout repose en effet sur :
l’appréciation de certains éléments, le temps nécessaire à leur appréciation,
mais plus encore par le fait qu’ils s’inscrivent dans la durée et deviennent
permanents.
Or c’est à partir de cette étape cruciale
que la personne peut voir le « piège du temps » se refermer sur elle.
Comment cela, et qu’est-ce que cela signifie ?
L’observation objective des faits peut
rapidement sombrer dans la perception subjective, et là, c’est le drame !
L’aspect objectif : le film du vécu
des événements. Que se passe-t-il lorsque la colère apparaît ? Parvient-on
à l’amoindrir, voire à le contenir ? Enfin, étape suprême, reste-t-on
calme et serein dans une situation
conflictuelle caractéristique ?
Le regard subjectif : la critique du
film. Attention, c’est à partir de cette phase que le temps dresse son
embuscade ! C’est difficile ! Il faut beaucoup de temps pour y
arriver ! D’ailleurs, sera-t-il possible d’y parvenir un jour ?
Le temps nous rappelle ici à son bon
souvenir, exprimant avec force que tous nos actes s’inscrivent dans son
horizon. Et il a raison !
Est-il dès lors possible d’échapper à son
attraction ? Et dans l’affirmative, qu’elles en seraient les
conséquences ?
Objectivement, toute action possède une
durée qui lui est propre, si minime soit-elle, donc oui, elle dépend du temps.
Subjectivement, il convient de considérer
le sentiment que cette durée inspire (la « critique du film »), c’est
lui qui nous relie au temps, mesure notre jugement, et surtout implique la
conscience émotionnelle dans le processus initial (supprimer une habitude). Il
s’agit donc bien d’une affinité subjective avec ce que le temps est supposé
contenir.
Comment se libérer de cette entrave ?
Si l’on choisit l’attention seule, ou que l’on recourt à son support naturel,
la respiration consciente, pour éloigner la colère, les quelques instants, si
modestes soient-ils, où l’état d’attention se manifeste, empêchent ce rapport
spécifique au temps.
En effet, la conscience attentive met la
conscience ordinaire (émotionnelle, intellectuelle) en retrait, dont le temps
est son royaume. Peu importe la notion de durée, et surtout l’expression de la
volonté pour maintenir et prolonger cette période qui voit se réaliser
l’objectif désiré : l’essentiel consiste à manifester cette conscience
attentive au moment opportun.
Lorsque ces états particuliers de conscience portés par l’attention se manifestent, puis deviennent familiers, le temps relâche son emprise, il ne subsiste plus que l’observation des événements dictant la conduite à tenir.
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